La lutte contre le coronavirus ne justifie pas le recours à des technologies de surveillance de masse. Êtes-vous donc incapable de concevoir votre rôle autrement que comme celui d'un ministre de la répression ? Les mesures adoptées pour lutter contre le terrorisme – dont l'état d'urgence, plusieurs fois renouvelé – ont déjà conduit à une forte régression des libertés publiques. Vous essayez maintenant d'utiliser l'état d'urgence sanitaire pour porter de nouvelles atteintes aux libertés, à la protection des données personnelles et à la vie privée. Une telle fuite en avant sécuritaire est inacceptable dans une démocratie.
À ce sujet, vous semblez changer facilement d'avis. Le 26 mars, vous déclariez : « Ça n'est pas la culture française, et je fais confiance aux Français pour que nous n'ayons pas besoin de mettre en place ces systèmes qui, au fond, atteignent la liberté individuelle de chacun [...]. Donc ce n'est pas un sujet sur lequel nous travaillons. » Pourtant, après avoir décidé d'utiliser des drones, vous avez indiqué travailler à l'élaboration d'une application de traçage numérique pour téléphone portable.
L'efficacité d'un tel outil est pourtant loin d'être démontrée. Singapour, un État qui exerce, grâce aux smartphones, une très forte surveillance de la population, a finalement été obligé de passer au confinement généralisé.
De plus, le traçage numérique est dangereux. Comment les données seront-elles anonymisées ? Pendant combien de temps seront-elles conservées ? Peut-on parler de libre consentement compte tenu de la pression patronale ou sociale qui s'exercerait si l'usage d'une telle application était imposé pour pouvoir travailler ou accéder à certains lieux publics ? Et je ne parle pas de l'atteinte au secret médical !
Le recours à cette technique serait en outre discriminatoire, puisque seraient exclues de fait les personnes âgées, vivant en milieu rural ou précaires. En effet, seulement 44 % des personnes de plus de 70 ans possèdent un smartphone ; 14 % des Français éprouvent des difficultés pour passer des appels ou envoyer des SMS.
Enfin, comment peut-on parler de volontariat si l'usage de cette application est le seul moyen d'accéder à des tests ?
De nombreuses organisations – dont la Quadrature du net, la Ligue des droits de l'homme ou le Syndicat de la magistrature – s'élèvent contre ce solutionnisme technologique. Le traçage numérique n'est qu'une manière d'individualiser la lutte contre le coronavirus pour mieux masquer les erreurs du Gouvernement et son incapacité à fournir des tests et des masques en nombre suffisant. Ne nous surveillez pas, testez ! Fournissez des masques aux policiers, planifiez l'approvisionnement, mais laissez nos libertés tranquilles !