Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 9 avril 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

L'intervention de Mme Corneloup me permet de rebondir sur le sujet des pompiers, dont je n'ai pas assez évoqué l'engagement. Depuis le début du mois de février, ils ont réalisé 47 000 interventions, beaucoup plus longues que d'habitude en raison du principe de précaution et des protections nécessaires. Ce sont les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), qui sont chargés de leur équipement et appliquent la doctrine nationale de précaution.

J'ai bien noté la position de l'Académie nationale de médecine, ainsi que la réitération, il y a deux jours, de celle du directeur de l'Organisation mondiale de la santé. Il y a des discussions, et la difficulté tient à ce que nous nous appuyons sur des bases scientifiques qui évoluent. En effet, par nature, l'évaluation médicale du risque change. Je n'ai pas de certitudes ; j'applique les doctrines formulées par ceux dont c'est le métier. Je ne suis pas compétent pour estimer qu'il faut adopter tel ou tel comportement ; je veille, en revanche, à ce qu'il soit adopté lorsqu'il a été préconisé par ceux qui sont compétents en la matière.

J'en reviens aux pompiers. Des consignes claires ont été données aux préfets pour que ceux-ci se mettent à la disposition des présidents et des directeurs opérationnels de SDIS, afin que les stocks du ministère de l'Intérieur puissent être mobilisés. Nous avons également intégré ces besoins aux travaux prospectifs concernant les sapeurs-pompiers.

S'agissant des forces de l'ordre, j'ai déjà répondu au début de mon propos.

J'en arrive à la question des marchés. La règle est simple : la fermeture, puis une réouverture éventuelle s'il n'y a pas de solution de proximité classique – supermarché, épicerie ou autre. La décision se prend au cas par cas, sous la responsabilité du préfet. Celui-ci peut considérer que l'offre commerciale à l'échelle de la commune est largement suffisante et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter un foyer de risque – j'emploie le verbe « ajouter » car les grandes surfaces en constituent aussi. Même si je pourrais le faire, il ne m'appartient pas d'expliquer aux préfets que telle commune doit faire l'objet de telle décision. Je leur fais confiance – dans le cas contraire, je suspendrais leur décision – pour apprécier au mieux chaque situation.

Vous avez posé une question simple en droit, compliquée en fait. Se rendre dans son jardin familial pour y faire pousser une production qui sert en général à l'alimentation n'est pas se rendre sur son lieu de travail ; pourtant, vous constatez mon embarras à vous répondre. Lorsque j'étais maire, j'ai créé des jardins de ce type. C'est une culture et parfois une urgence sociale. Je vais donc reprendre la discussion avec nos services et voir si nous pouvons élaborer une fiche qui permette la réouverture de ces jardins, compte tenu du contexte. Nous allons également assouplir les règles en matière de graines et de plants, que nous savons indispensables à l'alimentation. Je ne peux pas donner de réponse précise, mais il s'agit d'un vrai sujet.

En matière d'asile et d'immigration, les transferts « Dublin » ont été interrompus.

L'hébergement des plus démunis dans des gymnases ne constitue pas une solution privilégiée, et nous avons préféré des hôtels – je parle ici au nom de M. Julien Denormandie, qui pilote le dispositif, même si la partie concernant les migrants est financée par le ministère de l'Intérieur. Là où la situation est tendue, comme à Aubervilliers, à Calais ou à Grande-Synthe, où nous conduisons encore presque chaque jour des opérations perlées de mise à l'abri, nous privilégions également des hébergements non collectifs, suivant les préconisations du Haut Conseil de la santé publique. Lorsqu'il n'est pas possible de faire autrement, comme en Île-de-France, nous mobilisons des gymnases, ce qui nous permet d'agir dans des délais plus courts encore, mais nous faisons en sorte qu'ils respectent les recommandations de l'ARS pour limiter autant que possible les risques.

Madame Untermaier, je tiens à votre disposition la liste des consultations qui ont eu lieu avec l'ensemble des partis politiques : le 25 février, courrier du Premier ministre ; le 27 février, réunion ; le 5 mars, présentation aux associations d'élus par un certain nombre de ministres, dont moi-même ; j'en ai ensuite rendu compte aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Après un courrier du Premier ministre aux maires de France, j'ai mis en place des mesures convenues, entre autres, avec l'Association des maires de France, comprenant un certain nombre d'instructions sur l'organisation des bureaux de vote, l'organisation physique, le matériel de vote, les consignes sanitaires générales. Le 12 mars, le Premier ministre a présidé une réunion à laquelle ont été conviés, là encore, les chefs de parti et les présidents des groupes parlementaires. Le soir du 12 mars, le Président de la République s'est exprimé au sujet du maintien de l'élection. Le lendemain, j'ai mis en oeuvre, par visioconférence, les dispositifs dont je vous parle. Les moments de discussion ont été nombreux : nous aurons l'occasion d'en reparler. Ne laissons pas penser que cette décision n'a pas été prise conformément à la ligne de conduite qui est la nôtre depuis le début, c'est-à-dire prendre l'avis des professionnels de santé et ouvrir le débat le plus largement possible, avec la volonté de chercher la meilleure solution. Nous garderons cette méthode jusqu'au bout, car notre responsabilité est de garantir la possibilité de la concorde nationale dans le combat que nous devons mener. Les doutes, les critiques n'en sont pas moins légitimes.

Je reviens sur ce que j'ai appelé hier, devant le Sénat, la « guerre des masques ». Elle est insupportable, et je trouve donc votre question légitime. Vous évoquez deux incidents. Je n'ai eu connaissance que d'un seul, survenu dimanche après-midi. Un importateur, comme beaucoup de ses confrères, a pris bien plus de commandes de masques qu'il n'était capable d'en livrer. L'ARS de la région Grand Est, dont on connaît la situation d'urgence, la région Bourgogne-Franche-Comté et le conseil départemental des Bouches-du-Rhône avaient passé commande. Sur les 6 millions de masques que cet importateur devait livrer à l'ARS vendredi après-midi, il n'y en avait que 2 millions, et il a annoncé qu'il livrerait les 4 autres millions par un avion atterrissant dimanche à Bâle-Mulhouse-Fribourg. À l'aéroport, il a été constaté qu'il n'y avait que 3,4 millions de masques et, en effet, la préfecture de la région Grand Est a usé de son droit de tirage prioritaire pour les réquisitionner en totalité au profit de son ARS, de ses hôpitaux et de ses établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Vous l'avez souligné, ce n'est pas cette décision qui est contestable, mais la méthode utilisée. Dès mardi soir, j'ai d'ailleurs fait savoir à l'ensemble des préfets que je la trouvais inopportune car contraire à l'esprit dans lequel nous devons travailler avec les collectivités locales. Il est donc hors de question que cela se reproduise ; mon message a été clair et je crois qu'il a été entendu. Je l'ai renouvelé hier au Sénat et je le renouvelle ce matin devant vous. Chacun est conscient des difficultés actuelles d'approvisionnement en masques. Il s'agit d'un enjeu mondial puisque le Japon et les États-Unis en manquent également, tout comme l'Allemagne et plusieurs autres pays européens. Dans ce contexte, il est absolument inacceptable que des erreurs viennent troubler la relation de l'État et des collectivités locales.

Monsieur Lagarde, j'ai déjà abordé la question des marchés aux comestibles dans les grandes villes. Quant à la classification de la contravention en cas de récidive du non-respect du confinement, elle relève du ministère de la justice. Je ne me prononcerai donc pas.

Les violences intrafamiliales, malheureusement favorisées par le confinement, sont pour nous une préoccupation majeure. Il s'agit des violences sexuelles et sexistes, mais aussi les violences à l'encontre des enfants. Je me suis déjà exprimé devant vous sur ce sujet lors des questions au Gouvernement. Nous voulons éviter que l'empêchement de téléphoner, d'alerter et de porter plainte ne se traduise par l'impossibilité d'agir. C'est pourquoi nous avons mis en place des moyens nouveaux pour permettre aux victimes de se manifester. Outre les numéros d'urgence bien connus, le 17 et le 3919, elles peuvent désormais communiquer avec la police et la gendarmerie, silencieusement, sur internet, à l'insu de leur conjoint violent. J'ai également demandé que les victimes puissent alerter les secours par SMS. Lorsqu'elles n'ont pas de téléphone portable, elles réussissent parfois à utiliser celui de leur conjoint en cachette et à envoyer un message d'alerte depuis les toilettes ou la salle de bain. Depuis l'extension du numéro d'urgence 114, désormais accessible par SMS vingt-quatre heures sur vingt-quatre, conçue à l'origine pour les sourds et les malentendants, nous avons reçu 170 demandes par jour. Enfin, une vingtaine de dossiers de violences conjugales sont quotidiennement orientés depuis le 114 vers le 17.

Pour être clair, peu importe qu'il y ait ou non un OPJ dans un commissariat : en cas d'alerte, il faut agir. La consigne est claire et a été largement diffusée. Qu'il y ait ou non une plainte, les forces de l'ordre doivent se rendre sur place en cas d'alerte. J'ai en outre demandé, dans le cas de contentieux familiaux connus, que soient développés les appels à l'initiative des gendarmes et des policiers spécialisés. Un entretien téléphonique permet de détecter un éventuel problème et de déclencher une visite. Les appels d'initiative des forces de l'ordre ont ainsi permis de mener des interpellations.

J'ai également demandé aux préfets de ne négliger aucune possibilité de relogement. Les familles qui demandent protection seront immédiatement relogées dans des hôtels, sans même attendre l'instruction judiciaire de leur dossier – la garde des Sceaux vous a sans doute indiqué hier, lors de son audition, que le traitement de ces dossiers était l'une des priorités du ministère de la Justice. C'est pourquoi le dépôt d'une plainte dans un commissariat – je n'en vise évidemment aucun – ne doit pas, selon moi, être considéré comme un critère déterminant pour agir. Sans attendre la plainte, les forces de l'ordre doivent être à l'initiative et intervenir de manière systématique.

Enfin, nous avons développé de nouveaux dispositifs d'alerte dans les pharmacies et dans certains centres commerciaux.

Malgré ces différents dispositifs, nous constatons un effondrement du nombre de plaintes pour violences intrafamiliales, qui sera sans doute confirmé à la fin du confinement. Nous savons tous que les chiffres actuels ne correspondent pas à la réalité : certaines violences et certaines victimes nous échappent. J'ai donc demandé à M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, à Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, et à Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, de placer ce sujet au coeur de leur action, en appui des politiques conduites par le ministère de l'Intérieur.

Nous ne lâchons rien ! Les fiches opérationnelles sont mobilisées et disponibles. Nous devons mener ce combat tous ensemble car il est essentiel.

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