Par égard protocolaire, je vous répondrai en premier, Monsieur le président. La difficulté réside dans le fait que ces mises à l'abri, comme celle à laquelle nous avons procédé pour 732 migrants – dont 711 hommes isolés – vivant dans un campement illicite à Aubervilliers, sont effectuées sur la base du volontariat. Les migrants auxquels vous faites référence, évacués des campements de Grande-Synthe et de Calais, ont été répartis entre plusieurs régions, où nous leur avons proposé un relogement ailleurs que dans des gymnases, pour revenir sur un point évoqué plus tôt. Contrairement aux placements effectués sur décision judiciaire, il ne s'agit pas là de mesures coercitives.
La seule règle que nous pouvons leur imposer est donc le respect du confinement. La difficulté consiste à leur expliquer qu'ils s'exposent à une amende en cas de sortie non justifiée puis à une amende plus importante encore en cas de récidive. Or les associations sur lesquelles nous nous appuyons d'ordinaire pour sensibiliser et accompagner les migrants afin de leur faire prendre leurs responsabilités sont plus difficilement mobilisables dans le contexte actuel. Je n'ai pas d'éléments en tête concernant les faits que vous rapportez ; je vérifierai si certains sites appellent le renforcement des contrôles de sécurité. La seule menace juridique dons nous disposons, dès lors que nous ne plaçons pas les migrants en CRA, ce qui nécessiterait un acte juridique, est celle d'un procès-verbal pour non-respect du confinement, qui, en raison des problèmes de compréhension que je viens d'évoquer, n'est pas une mesure optimale de dissuasion. Je suis néanmoins prêt à renforcer la présence policière sur certains sites bien précis, si cela s'avère utile.
Je tiens à revenir un instant sur la polémique qui a enflammé les réseaux sociaux concernant la verbalisation des SDF, derrière laquelle on a voulu voir un ordre du ministre de l'Intérieur, certaines associations relayant même ces propos. J'ai demandé une enquête, et les associations concernées ont été interrogées : nous ne verbalisons pas les SDF, cela n'aurait pas de sens ; en revanche, nous leur proposons des solutions de relogement, en particulier de relogement hôtelier, sujet sur lequel M. Julien Denormandie s'est fortement engagé.
M. Vallaud m'interrogeait sur la mise à l'abri des mineurs non accompagnés. Encore une fois, le dispositif est délicat à mettre en oeuvre. Comme aux SDF et aux migrants, nous leur proposons un relogement hôtelier d'urgence. Néanmoins, nous sommes confrontés à des situations humaines, sociales et sanitaires extrêmement douloureuses, et il est difficile de faire respecter le confinement. Nous travaillons en lien étroit avec les services de l'aide sociale à l'enfance des conseils départementaux, pour ne pas dire sous leur autorité. Néanmoins, ces derniers ne sont pas toujours capables d'évaluer la minorité et ils sont tenus de proposer une mise à l'abri à tous ceux qui se déclarent mineurs. La souplesse de la répartition nationale, qui permettait précédemment à un mineur non accompagné identifié par un département d'être hébergé ailleurs, a été suspendue, et les transferts de personnes ne se font plus désormais qu'au cas par cas, quand nous savons que l'offre de logement d'un territoire est de meilleure qualité. J'insiste aussi sur le fait que les juges pour enfants doivent rester accessibles, que c'est pour nous une priorité – la garde des Sceaux, je crois, l'a certainement rappelé hier.
La morgue de Rungis est gérée par un opérateur privé, qui applique des tarifs que j'ai découverts hier, au moment de leur médiatisation. Je remarque, d'une part, que les critiques ont été émises par un autre opérateur privé et, d'autre part, que beaucoup ont mêlé à la question le préfet Lallement, qui n'y était objectivement pour rien. J'ai demandé dès hier soir qu'un contrôle précis soit effectué sur la question car il me semble anormal que les contraintes financières liées au confinement et à la hausse de la mortalité soient reportées sur les familles. Je vous communiquerai les éléments qui seront portés à ma connaissance.
Enfin, pour tenir compte des difficultés actuelles, nous avons porté le délai de recours en cas d'erreur de verbalisation de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, délai dans lequel j'espère – sans rien annoncer, car je reste prudent – que nous serons sortis du confinement. Je n'invite pas à multiplier les contestations mais je comprends qu'il y en ait, car l'interprétation sur le terrain d'une règle de principe édictée vingt-quatre heures auparavant n'est pas un exercice facile. Les attestations ont été élaborées à partir du modèle italien – le document a été traduit dans l'après-midi, après quoi nous avons déterminé dans quelle mesure il pouvait s'appliquer à la situation française – et le document final a fait l'objet d'une expertise juridique. Nous avons donc agi vite, ce qui a pu mener à des imprécisions et des erreurs d'appréciation ; de ce fait, il est normal qu'un recours soit possible.
Monsieur Door, vous avez exprimé le soutien de votre groupe aux soignants, aux forces de sécurité intérieure et à nos concitoyens ; nous nous rejoignons tous sur ce point. Je souscris en outre à votre affirmation selon laquelle le confinement est la meilleure des solutions. Vous avez mentionné de premiers résultats, déjà relevés hier par M. Olivier Véran.
Nous observons effectivement du « je-m'en-foutisme » mais il n'est pas massif : la France fait partie, je le répète, des pays où le confinement est respecté. Néanmoins, il y a des endroits où certains considèrent que le confinement n'est pas pour eux, qu'ils ne courent aucun risque, qu'ils sont des super-héros, et ils adoptent des comportements totalement idiots. C'est pourquoi il faut maintenir les contrôles, et je les maintiens à un haut niveau.
Lorsque j'ai évoqué l'organisation de nos forces de sécurité intérieure, j'ai parlé de la priorité accordée au haut du spectre et du partage entre équipes A et B, mais je dois préciser un autre point : comme nous avons intégré que le combat serait long et difficile, nous avons veillé à ce que l'organisation du temps de travail des policiers et des gendarmes tienne compte de cette mobilisation de long terme. Autrement dit, nous ne pouvons pas être présents partout : les 100 000 policiers et gendarmes déployés sur le terrain ne peuvent pas être en permanence auprès des 65 millions de Français. C'est pourquoi nous lançons d'abord un appel à la conscience et à la responsabilité collectives, puis nous avons recours, si besoin, à la sanction. La consigne que je donne aux forces de sécurité est non pas de verbaliser, mais de protéger les Français. Cependant, s'il faut verbaliser pour protéger, nous l'assumons.
Selon vous, Monsieur Door, nous aurions parlé trop tôt du déconfinement. Toutefois, lorsque le Premier ministre a été auditionné par la mission d'information, le président de votre groupe, M. Damien Abad, lui a demandé : « Tous les Français s'interrogent sur la stratégie de sortie du confinement. […] Qu'entendez-vous par déconfinement progressif ? Sera-t-il organisé par région ? Par classe d'âge ? » Le Premier ministre a donc répondu aux questions qui lui étaient posées.
De même, Madame Auconie, je laisse le soin au Premier ministre de répondre aux courriers qui lui sont adressés. À ce stade, je ne peux pas apporter de réponse à votre question. Je peux néanmoins vous indiquer que le ministère de l'Intérieur a fourni des éléments au cabinet du Premier ministre pour la préparer et qu'elle ne devrait pas tarder.
Depuis le début de la crise, Madame Dumas, les pompiers ont accompli 47 000 interventions. Des moyens aériens sont mobilisés, notamment ceux embarqués à bord du Dixmude. Je tiens à évoquer, en outre, les missions d'appui du centre de crise auprès des forces de sécurité civile à La Réunion, à Mayotte et dans les Antilles. Depuis le 25 février, nous avons procédé à 173 évacuations sanitaires au titre de la sécurité civile. Nos services sont mobilisés, sous l'autorité de M. Alain Thirion – doublement engagé, dans le cadre de la CIC ainsi qu'en tant que directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises –, pour soutenir les structures mobiles d'urgence et de réanimation, les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR), et les centres de réception des appels, dans de nombreux départements. Il est sûr que la sécurité civile, dans son acception la plus large –militaires et sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires –, fait preuve d'un engagement exceptionnel qui lui fait honneur.