J'aimerais en premier lieu vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, de l'attention que vous avez eue pour les enfants, en particulier pour ceux qui souffrent du confinement. Nous sommes tous mobilisés dans la lutte contre le Covid-19 : nous sommes tout à la fois prêts à prendre les mesures d'urgence qui s'imposent pour préserver la santé de nos concitoyens et vigilants quant au respect des exigences de l'État de droit qui fondent notre démocratie. Nous avions déjà effectué ce travail d'équilibre en 2015 ; nous savons qu'il n'est pas facile.
Je commencerai par quatre observations générales. Premièrement, ce texte a été modifié par le Sénat. Nous accueillons très favorablement la grande majorité des nouvelles dispositions, qui répondent à nos préoccupations. Nous sommes satisfaits de constater que l'essentiel d'entre elles ont été conservées lors de l'examen du texte par la commission des lois. Cela tient sans doute à l'objectif – compréhensible, dans les circonstances actuelles – de donner une issue favorable à la commission mixte paritaire.
Deuxièmement, le texte soumis au débat ne porte pas sur le déconfinement. Les discussions utiles que nous avons eues hier en commission au sujet de l'ouverture des commerces, des plages, des restaurants et des théâtres ne sont pas l'objet de ce projet de loi ; je souhaiterais néanmoins rappeler, comme d'autres l'ont fait hier, que les professionnels concernés sont très inquiets et que nous leur devons la communication d'une date très prochaine de réouverture.
Troisièmement, en s'attachant à modifier l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire, le texte inscrit la discussion dans un cadre trop étroit qui ne permet pas d'aborder les questions sociales ni de s'interroger sur les effets graves de l'application de certaines ordonnances sur notre démocratie et sur son pilier essentiel, la justice. Le groupe Socialistes et apparentés a d'ailleurs saisi la ministre de la justice de cette question au moyen d'une lettre à laquelle il attend maintenant une réponse. Un pas a été franchi hier en commission avec la suppression du caractère automatique de la prolongation des délais de détention provisoire.
Quatrièmement, toutes les mesures prises ont pour objet de déroger au droit normalement applicable dans le but de juguler la pandémie. Elles sont donc par nature temporaires. Pourtant, elles trouvent leur place dans le nouveau chapitre du code de la santé publique consacré à l'état d'urgence sanitaire, qui restera en vigueur jusqu'au 1er avril 2021 – et sans doute au-delà. Cela induit une certaine confusion : il n'est pas toujours aisé de savoir si la disposition que nous examinons a une valeur générale et pourrait à nouveau s'appliquer si l'état d'urgence sanitaire est à nouveau instauré, ou si elle a vocation à ne s'appliquer que ponctuellement. Pour notre groupe, les mesures dont nous discutons aujourd'hui ont trait exclusivement à la situation créée par le Covid-19.
J'en viens enfin à la deuxième partie de mon intervention, sur le fond du texte. Parmi les points retenant notre attention figure la responsabilité pénale des acteurs publics et privés. Nous approuvons les modifications introduites par l'Assemblée nationale dans la mesure où elles conservent l'architecture des dispositions du code pénal. Contrairement à ce que j'ai pu l'entendre ce matin, elles n'ont ainsi pas pour effet de libérer les ministres du risque pénal. Nous redoutons en revanche que ces précisions ne desservent le louable objectif visé par mes collègues. Nous vous proposerons un amendement de nature différente, ne portant pas sur l'aspect pénal, qui a fait l'objet d'une discussion sérieuse en commission des lois hier et qui, selon nous, permettrait d'accompagner de façon pragmatique les maires amenés à prendre des décisions dans le cadre de l'état d'urgence et du déconfinement.
Évidemment, le sujet du contrôle et de l'évaluation des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence retient aussi notre attention. Des avancées ont été réalisées par le Sénat, mais pourquoi ne peut-on parvenir à instaurer un contrôle factuel tel que celui qui avait été instauré en 2015 ? Si ce contrôle existait, la prorogation de l'état d'urgence n'aurait pas fait l'objet des critiques légitimes qui ont été adressées au Gouvernement.
Le troisième point, qui conditionne l'appréciation de la situation par nous-mêmes et par nos concitoyens, concerne la connaissance du nombre total de décès dus au Covid-19. Des chiffres nous sont communiqués régulièrement à ce sujet, mais nous ne savons rien des décès survenus à domicile. Même si je mesure la difficulté d'un tel recensement, son résultat est ce que l'on retiendra de la pandémie.
Le texte ne fait pas mention des masques et des tests alors qu'il nous a été rappelé encore aujourd'hui à la télévision à quel point ces outils sont essentiels dans la lutte contre le Covid-19. La facilité d'accès aux masques, les moyens de les distribuer, leur coût sont des questions qui mériteraient tout à fait d'être abordées ici.
S'agissant enfin de l'article 6, les personnes tracées doivent pouvoir donner leur accord à leur présence dans le fichier. Nous devons par ailleurs nous interroger sur le maintien dans le fichier de celles ne sont pas testées positives au Covid-19.