Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le champ de mon rapport spécial s'est étendu cette année : il comprend non seulement les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative », mais également la mission « Investissements d'avenir ». Ayant deux fois plus de crédits à contrôler, je regrette que mon temps de parole ne soit pas deux fois plus long…
La création de la mission « Investissements d'avenir » date de la loi de finances de 2017. Son existence même est un incontestable progrès : les précédents programmes d'investissements d'avenir ne faisaient pas l'objet d'un suivi parlementaire. Cependant, la création d'une mission budgétaire n'est pas en soi une garantie suffisante de transparence et de contrôle. À cet égard, je rappellerai ici plusieurs points soulignés dans mon rapport.
Il s'agit tout d'abord de la qualité des documents budgétaires. On compte 180 occurrences des mots « innovant » et « innovation » sur les 43 pages écrites du projet annuel de performances, mais le contenu des actions financées reste excessivement flou. On nous demande de voter plus de 1 milliard d'euros de crédits de paiement, mais pourquoi, et à qui ? Demande-t-on aux parlementaires de signer un chèque en blanc ?
Il s'agit ensuite du comité de surveillance. La loi de 2010 précisant les modalités d'information et de contrôle parlementaires des PIA dispose que le comité de surveillance des investissements d'avenir transmet chaque année un bilan au Parlement. Lorsque j'ai demandé que ce bilan me soit transmis, on m'a renvoyé un lien vers le rapport public annuel du Commissariat général à l'investissement ! À en juger par la générosité avec laquelle l'argent du contribuable est dépensé par le PIA – sans citer Business France et la French Tech – , il semble que le renforcement du contrôle ne soit pas inutile. Je compte donc sur nos collègues nommés le 3 novembre dernier au comité de surveillance pour donner corps à ce contrôle et veiller à ce que l'obligation d'information de la représentation nationale soit désormais respectée.
S'agissant enfin de l'évaluation, alors que le PIA 1 date de 2010 et le PIA 2 de 2014, à l'heure où on lance le PIA 3, on répond à mon questionnaire budgétaire que « l'évaluation [des dépenses des premiers PIA] est encore prématurée et qu'elle ne sera pertinente qu'une fois que l'impact des projets financés se manifestera réellement ». Doit-on en conclure que les 44 milliards d'euros engagés sur ces fonds n'ont pas encore eu d'impact sur l'économie ? Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai pas obtenu de réponse précise sur ce point en commission élargie.
Ajoutons à cela le Grand plan d'investissement défini quelques jours avant la présentation du projet de loi de finances au Parlement, et qui conforte une fois encore le sentiment d'impréparation de ce budget – impréparation dont il me semble qu'elle n'est plus à démontrer : citons, au hasard, l'absence de chiffrage des mesures fiscales ou encore le fiasco des aides au logement.
En conclusion sur ce point, il semble que la « normalisation budgétaire » du PIA 3 soit « une parade plus qu'une réalité ». Et ce n'est pas moi qui le dis : je cite ici l'avis budgétaire de Mme Lebec, qui appartient au groupe majoritaire.
Quelques mots sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », dont le budget demandé pour 2018 s'élève à près de 1,5 milliard d'euros en crédits de paiement.
Je salue la création du centre de gouvernement de Ségur-Fontenoy, dont j'ai pu évaluer l'avancée des travaux l'année dernière et qui est désormais prêt pour l'emménagement de nombreuses entités. Je regrette cependant que les efforts de mutualisation pèsent, parfois lourdement, sur les autorités indépendantes ayant rejoint le site. Je pense ici au Défenseur des droits, pris en tenaille entre des missions de plus en plus nombreuses et un impératif de réduction d'effectifs.
Comme je l'ai souligné en commission élargie, je regrette également que les crédits de masse salariale des cabinets ne diminuent pas en proportion de la réduction des effectifs, même si j'ai bien noté que les cadres y sont, proportionnellement, beaucoup plus nombreux qu'auparavant.
J'ai choisi cette année de concentrer mon attention sur les crédits du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – SGDSN – qui comprend, outre ses directions historiques, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, le Centre de transmissions gouvernemental et le Groupement interministériel de contrôle.
J'ai bien conscience du fait que le Gouvernement en poursuit la montée en charge ; mais est-ce suffisant, monsieur le secrétaire d'État ? Les cybermenaces sont croissantes ; elles peuvent toucher tout le monde, comme en témoigne le développement des rançongiciels, et ne se limitent plus au simple espionnage économique. Alors que la date des commémorations du 13 novembre approche, une attaque du système d'information d'un hôpital ou de ceux qui commandent l'aiguillage des trains ou les tours de contrôle d'un aéroport pourrait faire bien plus de victimes que les attentats terroristes que nous avons déjà connus.