La France vit un moment particulier que peu avaient imaginé, même si, depuis quelques années, des spécialistes nous avaient alertés sur le risque d'une pandémie. Étions-nous préparés ? Peut-être pas. Le moment venu, nous devrons comprendre ce qui nous est arrivé, même si, peu à peu, nous commençons à connaître certains faits.
Nous avons tous une responsabilité. Au reste, nul ne peut mettre en doute la volonté du Gouvernement, et plus particulièrement du ministre des solidarités et de la santé, de trouver le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions, des solutions pour protéger la santé des Français, limiter le plus possible le nombre de morts et permettre à notre pays de se relever.
Depuis plusieurs semaines, les législateurs que nous sommes votent des textes que nul n'aurait pu anticiper. Le dernier projet de loi de finances rectificative entérine, pour notre pays, une dette égale à 120 % du PIB, un déficit public de 9 % et une dégradation de nos comptes sociaux de 50 milliards. Quant aux mesures sanitaires et sociales ou juridiques, elles sont également hors normes, au sens où elles mettent en cause les libertés publiques.
Jusqu'à présent, nous avons soutenu ces textes, mais aujourd'hui une grande partie des membres de mon groupe s'abstiendront ou voteront contre le projet de loi, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous restons des législateurs épris de liberté et défenseurs des libertés publiques. Or l'article 6, dont nous comprenons la logique, compte tenu de la nécessité de lutter contre le virus, nous inquiète. Les mesures proposées nous semblent prises dans la précipitation, ce qui est devenu la règle, alors que nous ne connaissons pas encore leurs conséquences.
Je salue le travail mené en commission mixte paritaire. Le consensus auquel celle-ci est parvenue va dans le bon sens, puisqu'il accorde une place plus importante à la CNIL et précise que les données collectées ne seront pas conservées plus de trois mois. Mais, si, encore une fois, nous ne doutons pas de la volonté du Gouvernement de trouver les meilleures solutions, nous partons dans l'inconnu et nous ne savons pas comment cela pourrait finir.
Deuxièmement, notre groupe comprend trois élus de Corse. Or le Gouvernement reste sourd à notre problème. L'interdiction d'effectuer tout déplacement supérieur à 100 kilomètres sépare la Corse du continent. Nul ne peut donc plus se rendre dans notre île, sinon pour un motif professionnel ou pour des raisons familiales impérieuses. Il n'y a quasiment plus de bateau ni d'avion la desservant. Depuis plusieurs semaines, aucun avion ne relie plus la Corse à Paris. Celle-ci est coupée du reste du continent, pour des raisons sanitaires du reste faciles à comprendre, compte tenu du foyer qui s'est développé à Ajaccio.
Reste que le tourisme constitue 50 % de l'économie de l'île. Il la fait vivre. Or le projet de loi accorde au préfet la possibilité de placer les voyageurs qui arriveraient en quarantaine, disposition qui s'appliquera aussi aux DOM-TOM. Nous savons donc que peu de gens viendront en Corse cet été.
Nous allons connaître une année blanche. Une grande partie de nos entreprises, ainsi que de nos outils économiques disparaîtra. Dans ce contexte, les élus de l'île, non seulement les députés que j'ai cités mais aussi Gilles Simeoni, veulent bâtir un plan de sauvetage de l'économie insulaire.
Si certains députés de notre groupe vont s'abstenir sur ce texte ou émettre un vote négatif, c'est parce que nous n'avons pas obtenu de réponses. J'espère que celles-ci viendront. Je le dis avec d'autant plus de solennité que les DOM-TOM, je le répète, sont dans la même situation que nous. Ne faisons pas des insulaires des Français à part, en refusant d'apporter, à une situation atypique, des réponses spécifiques.
Monsieur le secrétaire d'État, je suis convaincu que, tous ensemble, nous pouvons trouver rapidement des solutions indispensables.