Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du samedi 9 mai 2020 à 18h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je vous remercie.

Au départ, les sénateurs souhaitaient éviter, disais-je, que les maires ne paient les pots cassés en endossant une responsabilité pénale, tandis que les ministres ou d'autres élus bénéficieraient d'une amnistie. Prendre des décisions susceptibles de mettre des personnes en danger ou de sauver des vies est la responsabilité la plus grave que peut exercer un élu.

À cet égard, la nouvelle rédaction ne nous rassure pas tout à fait. Certes, les dispositions s'inscrivent désormais non plus dans le code pénal mais celui de la santé publique, de sorte qu'elles disparaîtront à la fin de l'état d'urgence sanitaire, mais les élus pourront systématiquement se référer à cette base légale, et les juges pourront voir, dans cette rédaction, une intention du législateur de ne pas les rendre responsables de leurs actes.

Enfin, j'observe qu'on a élargi la mesure aux employeurs, faisant droit à une demande formulée, il y a quelques jours, par le MEDEF. Pour notre part, nous pensions que la loi Fauchon suffisait, le juge ayant toujours statué en fonction des circonstances.

J'en viens à la question des données. Hier, M. Véran nous a répété que la création d'un fichier ne posait aucun problème, puisqu'il existe déjà des fichiers, dont l'un dédié aux malades atteints d'une affection de longue durée, comme si son existence était de nature à nous rassurer. Nous ne voulons pas du monde du fichage, surtout quand il se double d'un traçage. Tel est le problème de fond.

D'ailleurs, à la différence du fichier que je viens de citer, qui permet à la sécurité sociale de savoir à quel taux on rembourse tel médicament à un malade, celui que vous créez concerne tant les malades que les non-malades, ce qui constitue une nouveauté. Ensuite, on ignore qui s'en servira. On ne nous a pas répondu sur ce point. Manifestement, son utilisation s'étendra au-delà du monde médical, ce qui pose le problème du secret. Enfin, le traçage n'est pas anodin. On suppose que la personne contaminée pourrait sortir des radars. On la considère à ce titre comme coupable. Selon nous, le volontariat serait une arme suffisante, alors que le traçage entraînera inévitablement vers l'utilisation de StopCovid.

M. le ministre nous a objecté hier que nous étions tous sur Twitter, ce qui constitue après tout une forme de traçage. Certes, mais nous avons la liberté d'être ou non sur Twitter !

Nous avons proposé que ce traçage soit effacé au bout d'un mois. Comme par hasard, on nous l'a refusé, au motif que les données collectées pourraient servir plus longtemps pour des recherches épistémologiques.

Je conclus en rappelant que le projet de loi ne contient aucune mesure sociale à la hauteur de l'état d'urgence social que nous connaissons. Je regrette de ne pas pouvoir détailler ce point, faute de temps. À défaut d'avoir anticipé la crise et d'avoir planifié le déconfinement, vous cherchez à montrer les muscles. Or ce n'est jamais signe d'efficacité ni d'intelligence. J'espère que nous n'aurons pas tous à regretter votre attitude à partir de lundi !

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