Monsieur le Premier ministre, hier, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Il vous a notamment contraint à accepter que le juge intervienne obligatoirement pour autoriser toute décision du préfet de mise en quatorzaine. Par la voix de Charles de Courson, le groupe LT vous avait proposé un amendement allant précisément dans ce sens. Quand allez-vous écouter et surtout entendre ?
La volonté de remettre en cause la place du juge dans le contrôle de mesures attentatoires aux libertés publiques est malheureusement récurrente. Vous avez été sanctionné naguère à ce propos lors du contrôle de constitutionnalité de la loi, dite « anticasseurs », visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, vous venez encore de l'être pour l'état d'urgence sanitaire et vous le serez sans doute demain concernant la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, que vous apprêtez à faire adopter. Soit il s'agit d'une volonté systématique et délibérée de remettre en cause ce qui fonde notre droit depuis deux siècles, ce qui serait grave, soit il s'agit de précipitation, et ce le serait tout autant. Le principe non négociable de l'intervention du juge en amont, et non en aval, devrait être votre boussole.
Cette affaire illustre en outre un manque d'anticipation : le confinement aurait dû être mis à profit pour que, une fois levé, le pays puisse mieux faire face à la menace sanitaire. Or le Président de la République a rendu cet objectif presque inatteignable en donnant, le 13 avril dernier, la date du 11 mai pour le début des travaux. Dans la vraie vie, pour n'importe quel chantier, ce serait impossible.
De ce fait, les 700 000 tests hebdomadaires annoncés ne seront pas disponibles. En outre, les brigades sanitaires, telles qu'elles nous sont présentées, sont bien éloignées de l'expérience pilote du professeur Piarroux à la Pitié Salpêtrière, qui mettait l'humain au coeur du dispositif mais dont la généralisation aurait exigé la présence sur le terrain de dizaines de milliers de personnes formées pour accompagner les personnes contaminées.
Par ailleurs, il vous appartient que des efforts supplémentaires soient fournis pour que les mesures de distanciation dans les réseaux de transports puissent être plus facilement respectées. Pourquoi les services de transports du quotidien, notamment ceux de la RATP, ne fonctionnent-ils pas à 100 % de leurs capacités ? Pouvez-vous répondre précisément à cette question ? Une utilisation complète des capacités de circulation aurait une double vertu : les transports publics seraient moins remplis si les rames étaient plus nombreuses ; les travailleurs de ces services, actuellement au chômage partiel, pourraient retrouver leur salaire plein.