Madame Avia, votre proposition de loi est une véritable épouvante. Alors qu'il s'agit d'une violation gravissime de la liberté d'expression, vous avancez avec la légèreté et l'arrogance qui caractérisent maintenant, il faut bien le dire, la macronie. Vous avez organisé la disparition du rôle du juge dans la protection de la liberté d'expression, qui est une des grandes libertés du peuple français.
Je vous rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a indiqué que les informations ou les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent devaient être protégées, précisément parce qu'elles incarnent la liberté d'expression. Bien entendu, nous ne soutenons en aucune manière ceux qui insultent ou qui diffament. Mais il existe déjà une loi très bien faite, celle de 1881 sur la liberté de la presse, qui permet à toutes les victimes de ce type d'agissements de se tourner vers le juge afin qu'il tranche.
Or figurez-vous qu'à la différence de vous, le juge a beaucoup réfléchi et travaillé sur la question ! Il existe une gigantesque jurisprudence – je peux vous le dire pour avoir longtemps plaidé en la matière. Ainsi, s'agissant de la provocation à la haine et à la discrimination raciale, des centaines de décisions ont été prises pour affiner la jurisprudence et savoir dans quelles conditions le juge pouvait sanctionner et condamner quelqu'un ayant abusé de la liberté d'expression. Pour votre part, vous transférez tout simplement aux GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – le soin de déterminer qui aura le droit de parler, de quoi et comment. En réalité, vous sous-traitez la censure au privé – et je trouve que cela vous va très bien.
Madame, nous lutterons et nous dénoncerons toujours cette proposition de loi, car nous savons pertinemment comment elle sera utilisée. Les grandes plateformes n'ont pas envie de s'embêter : elles censureront tout ce qui, de près ou de loin, leur paraît problématique. En outre, vous n'avez toujours pas réussi à nous dire ce qu'était un contenu haineux…