Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 13 mai 2020 à 15h00
Haine sur internet — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Décidément, vous avez un problème avec la liberté, en particulier la liberté d'expression ! Il y a quelques jours à peine, le Gouvernement voulait créer une plateforme de « ré-information », de validation des informations sur la crise sanitaire : rien que cela ! George Orwell l'avait imaginé, vous l'avez fait : 1984 en 2020 ! Le coronavirus a bon dos : non, vous n'aimez pas les débats ! Vous ne les aimez qu'entre vous, on en sait quelque chose ici.

Aujourd'hui, rebelote, si je puis dire : la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet fait son grand retour, en plein état d'urgence sanitaire. Comme s'il n'y avait pas d'autres urgences, justement ! Il faut appeler les choses par leur nom : ce texte n'est rien d'autre qu'une véritable censure institutionnalisée. Mais c'est vrai, vous êtes le camp du bien, du juste, des bons sentiments. Comment donc oser vous accuser de calculs, d'arrière-pensées ou, pire, de mauvaises pensées ? C'est qu'en plus, en nous prenant par les sentiments, vous êtes habiles : qui refuserait de combattre les propos haineux ou les injures fondées sur les origines, la religion ou l'orientation sexuelle ? Personne, bien sûr ! Mais dois-je vous rappeler qu'il existe pour cela une justice, des juges, des tribunaux ? Il me paraît insensé de confier à des opérateurs privés le rôle d'une police de substitution, car c'est la porte ouverte à l'arbitraire et au règne absolu de cette bien-pensance que vous incarnez à merveille.

J'ai passé une bonne partie de ma vie à travailler dans une organisation de défense des droits de l'homme, puis comme journaliste. Jamais je n'aurais imaginé qu'il me faudrait défendre la liberté d'expression dans l'enceinte de cette assemblée ! Je l'ai fait face à des potentats, des dictateurs, des despotes ; aujourd'hui, ici, je préfère être à ma place qu'à la vôtre. Mesdames et messieurs les censeurs, bonsoir !

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