Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du vendredi 10 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Madame la ministre, le 5 octobre dernier, je vous interpellais sur la rentrée universitaire qui laissait sans affectation plus de 3 000 étudiants. Je vous signalais également la situation des filières en tension, à Besançon, par exemple, où 600 étudiants doivent se partager un amphithéâtre de 120 places. Dans plusieurs universités, des cours ont été repoussés de plusieurs semaines faute d'enseignants, finalement trouvés à la hâte à l'autre bout de la France. Je vous interrogeais, d'ailleurs, sur la situation de ces enseignants précaires dont le nombre ne cesse d'augmenter. Enfin, je pointais l'état de déficit chronique de quinze universités, en raison notamment du GVT, l'une des conséquences de l'autonomie conférée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Chemin faisant, j'ai découvert que les enseignants-chercheurs n'avaient plus ni le temps ni les moyens de leur recherche.

Madame la ministre, je vous rejoins au moins sur le fait que l'enseignement supérieur échoue à intégrer et à faire réussir la diversité des profils rencontrés à l'université. Vous l'avez dit vous-même : « Cet échec n'est pas le reflet d'une absence d'intérêt des corps enseignants mais le reflet d'un manque de moyens et d'un manque d'autonomie pédagogique. »

Pensez-vous que la hausse du budget de l'enseignement supérieur de 194 millions d'euros répondra à l'ensemble de ces besoins ? Rappelons-les : besoin de places avec l'arrivée prévue de 40 000 étudiants de plus chaque année, besoin de compenser le GVT, besoin de faire reculer la précarité des enseignants, besoin de décharger les enseignants-chercheurs pour les laisser enfin chercher. À cela, il faudra ajouter le coût du traitement des 7 millions de dossiers de candidatures pour la rentrée 2018, le coût des directeurs d'étude, celui des cours de remise à niveau, celui de l'ingénierie pédagogique à mettre en place pour des cursus personnalisés, comme le prévoit votre projet de loi, d'ailleurs rejeté par le Conseil supérieur de l'éducation.

Madame la ministre, derrière chaque bonne idée, il y a des moyens à déployer ou redéployer. Mais au sein des universités, déjà au bord de l'asphyxie, il n'y a plus grand-chose à redéployer. Il faut investir massivement. Avec 194 millions d'euros supplémentaires, le compte n'y est décidément pas.

Passons à la recherche. Vous annoncez une hausse triomphale de 500 millions d'euros pour la recherche, tous programmes confondus. En y regardant de plus près, on s'aperçoit que 150 millions sont affectés à la recherche spatiale alors qu'à peine 20 millions sont consacrés à la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables. Et au sein de ce même domaine, vous privilégiez une augmentation du budget de l'aéronautique plutôt que de celui de la recherche liée aux énergies renouvelables.

Nous contestons cet arbitrage budgétaire, qui ne correspond ni aux intérêts fondamentaux de notre pays, ni aux nouveaux défis posés à l'humanité. Quant aux organismes de recherche, ils perdent trente postes, transférés à l'Agence nationale de la recherche qui, pourtant, ne fait pas de recherche ! Elle n'est qu'un simple organe de répartition des crédits auprès de qui les chercheurs quémandent leur aumône pour leurs travaux. Quel curieux paradoxe que de privilégier ainsi un échelon administratif supplémentaire : en somme, une véritable bureaucratie libérale !

Il existe une alternative au modèle imposé par le classement de Shanghai, dont la philosophie inspire implicitement votre budget.

À la place de la compétition entre universités, entre laboratoires, entre chercheurs pour accéder aux financements, nous proposons de répartir de manière équilibrée un budget couvrant véritablement l'intégralité des besoins exprimés par le monde universitaire, de titulariser les personnels précaires, de mettre en place une allocation d'autonomie de 800 euros pour les étudiants, de construire et de rénover les logements étudiants. Madame la ministre, en deçà de 2 milliards supplémentaires, quelles que soient vos intentions, rien de sérieux ne peut être entrepris.

Pour conclure, j'aimerais revenir sur les conditions d'examen du budget en commission. Le cadre contraint de cet exercice budgétaire limite largement les marges de manoeuvre de l'opposition. Pourtant, nous avons cherché à faire vivre ce budget, en demandant des rapports d'information, afin de mettre en lumière les réalités humaines derrière les chiffres. Ces rapports permettent également d'apprécier l'urgence de légiférer et constituent l'un des droits fondamentaux de l'opposition au titre de l'article 34 de la LOLF.

Je regrette que certains rapporteurs et commissaires n'aient même pas daigné s'y intéresser et que ces rapports aient tous été refusés en commission. Je m'indigne à présent qu'ils soient purement et simplement retoqués pour la plupart, privant la représentation nationale d'un débat de fond.

Madame la ministre, je vous fais crédit de votre bonne foi, mais les crédits, eux, restent décidément insuffisants.

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