Depuis bientôt cinq mois, 190 pays et territoires sont aux prises avec une nouvelle pandémie particulièrement meurtrière et anxiogène, tant ses caractéristiques et ses mécanismes sont peu connus. Seules les thèses sur l'origine de la maladie semblent validées, révélant les liens étroits entre la destruction avérée des écosystèmes et l'apparition de cette épidémie. Le rapport entre la surexploitation des ressources et l'apparition de la zoonose – ce type d'infections transmises par des animaux à l'être humain – a été établi depuis de nombreuses années. Les alertes des chercheurs sont malheureusement restées sans réponse.
Si des enseignements doivent être tirés de la gestion de la crise, au niveau international et national, nous, responsables politiques, devons également réfléchir à un changement d'interactions entre les populations humaines et la biodiversité. La crise sanitaire aura des conséquences économiques et sociales désastreuses pour notre pays mais représente peut-être une chance immense de transformer en profondeur nos modes de production, de consommation et d'accélérer enfin la transition écologique.
Les grandes épidémies ont souvent été l'occasion de progrès majeurs dans les domaines scientifique et technologique. Ces évolutions, souhaitables, doivent désormais être axées sur une recherche et une innovation bas carbone. Car si nous souhaitons laisser derrière nous les pandémies, comme celle qui nous frappe actuellement, les rapports entre les ressources naturelles et notre société industrielle doivent être intégralement repensés. Aujourd'hui, plus que jamais, la nécessité d'une transition écologique rapide et forte s'impose donc largement.
Ce changement de modèle de société, rendu indispensable pour réguler les pandémies et lutter contre la dérive climatique, ne pose-t-il pas les bases d'une nouvelle révolution industrielle ? Les précédentes ont posé les jalons du monde d'aujourd'hui. La première a été rendue possible à la fin du XVIIIe siècle par l'extraction massive du charbon et par l'exploitation de la machine à vapeur ; la deuxième a eu lieu à la fin du XIXe siècle grâce à l'émergence de l'électricité, du gaz et du pétrole ; la troisième, amorcée à la fin du XXe siècle, s'est caractérisée par l'énergie nucléaire et le développement de l'électronique.
Après la crise sanitaire, écologique et économique que nous traversons depuis quelques mois, ne sommes-nous pas à l'aube d'une quatrième révolution industrielle, dont l'humain et les écosystèmes économiques vertueux seraient le fil conducteur ? Si nous appelons de nos voeux cette nouvelle industrialisation, demandée par de nombreux Français, et si nous souhaitons que ce processus soit couronné de succès, il faut définir, au terme d'un travail collectif – garantie de la réussite de leur mise en oeuvre – des fondamentaux acceptés par tous les citoyens.
En tant que parlementaires, profitons donc de cette occasion pour orienter nos travaux vers cette nouvelle société industrielle qui pourrait s'articuler autour de deux enjeux fondamentaux : notre rapport à la planète et la refonte de nos liens sociaux.
La première question qui se pose est : comment voulons-nous vivre avec la nature ? Je vous invite, au passage, à lire l'entretien avec Philippe Descola paru aujourd'hui dans Le Monde. Cet anthropologue y développe parfaitement certaines pistes sur lesquelles je n'ai pas le temps, ici, de m'attarder.
À mon sens, notre rapport à la planète doit être au coeur de notre réflexion. Si nous entamons une transition vers un nouveau modèle de société, la décarbonation de notre industrie est une première condition absolue. Le développement des énergies renouvelables, le déploiement des mobilités douces et actives, la réorganisation de notre fiscalité écologique ou encore l'objectif zéro artificialisation nette des sols sont des étapes nécessaires. Pour les atteindre, l'investissement public dans la recherche sur les technologies bas carbone doit augmenter afin d'offrir de nouvelles solutions dans l'offre d'énergie. Mais chaque entreprise doit aussi être incitée à engager des démarches de transition bas carbone, par exemple à travers des avantages fiscaux. Les banques publiques pourront évidemment aussi jouer un rôle dans le financement de la décarbonation de nos économies.
Le développement des énergies renouvelables devra également faire partie de nos réflexions car nous ne pouvons pas passer d'une société dépendante du diesel et de l'essence à une société dépendante de l'électricité. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés forme le voeu que cette nouvelle révolution industrielle se fonde sur un réel mix énergétique dans lequel gaz renouvelable, hydrogène vert et géothermie auront toute leur place.
Nous devons bien sûr répondre à une deuxième exigence : mettre fin à la destruction des habitats naturels, qui est une des causes de l'apparition des zoonoses. Il est nécessaire de transformer notre occupation du sol pour que notre production soit viable à long terme, une résilience des écosystèmes permettant d'éviter la transformation irrémédiable des paysages. Le monde agricole, conscient de ces défis, s'est, en partie, saisi de ces enjeux en faisant évoluer les pratiques et en développant les labels et les marques de qualité. Nos décisions doivent favoriser les attitudes plus rationnelles dans les domaines de l'agriculture et de l'élevage. Accompagnons donc massivement la transition agricole mais aussi, par exemple, la rénovation de nos bâtiments énergivores. La mise en réserve de vastes zones du territoire naturel semble constituer une solution, ces zones étant peu ou pas du tout exploitées par l'homme. L'objectif du Gouvernement de porter à 30 % la part des aires marines et terrestres protégées, dont un tiers en pleine naturalité, d'ici à 2022, doit être salué. Mais nous devons nous y tenir et élever encore plus le niveau de nos ambitions en affirmant des objectifs forts pour un urbanisme vertueux.