Une révolution implique un changement, un bouleversement en profondeur, mais rien n'indique le sens de la rupture. Si quatrième révolution industrielle, écologique et numérique il doit y avoir, il faut s'entendre sur ses objectifs et sur son orientation, pas simplement dans les mots – je pense en particulier à celui d'écologie, qui peut n'être que de simple et pure communication – , mais dans les actes. Car, pour nous, il ne s'agit jamais d'accompagner des évolutions techniques ou économiques décidées je ne sais où, par des multinationales ou par la Banque centrale européenne ; nous visons la maîtrise de notre destin et recherchons donc la capacité de décider démocratiquement de notre organisation industrielle et numérique pour parvenir à vivre mieux, engageant pour cela les réformes sociales et écologiques nécessaires.
Si nous devions faire le récit de ces derniers mois, chers collègues, l'histoire serait terriblement parsemée de trous, de manques. L'incurie de l'État est apparue dans sa petitesse, laissant à chacun – et surtout à chacune – le soin de se débrouiller face aux pénuries en cascade. Des blouses parfois confectionnées avec des sacs-poubelles, des masques attachés à coup d'agrafes, des extensions d'hôpitaux dans des tentes en raison d'une pénurie de lits : chaque jour la liste des carences s'est allongée et, avec elle, son cortège de victimes.
C'est le professionnalisme et le sens du bien commun dans la société qui ont permis de tenir là où le pouvoir en place, le Gouvernement, s'est englué dans l'incohérence, le mensonge, l'incompétence.
D'une certaine manière, le covid-19 nous a tendu un miroir, il a révélé les failles structurelles de notre organisation sociale. Ces failles, il faut les nommer : l'austérité, le néolibéralisme et le consumérisme qui ne protègent ni ne libèrent mais détruisent nos capacités à faire face à de telles crises. Or ces crises vont se répéter avec le dérèglement climatique. Celle que nous traversons n'est malheureusement qu'une répétition des catastrophes qui nous attendent.
L'austérité, le néolibéralisme et le consumérisme tournent le dos au partage et au développement de ce qui est nécessaire pour vivre bien. Encore faut-il que chacun accepte de regarder ce miroir tendu par le virus. Quand on entend le Président de la République, Emmanuel Macron, nous dire que la France n'a « jamais été en rupture de masques », quand on l'écoute se gargariser de son plan pour l'hôpital – une super-stratégie qui aurait dû être décidée dix ans plus tôt – , on se rappelle qu'il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
La réalité, c'est que notre secteur industriel est en jachère, oui, abîmé par des décennies de politiques publiques qui ont encouragé les délocalisations, la dérégulation économique et la dilapidation des entreprises détenues par l'État.
Entre 1980 et 2018, notre industrie a perdu 2,2 millions d'emplois. Et la « start-up nation » ne s'est pas contentée de supprimer le ministère dédié, elle a désossé notre appareil industriel pour le livrer au jeu de la finance. Dès lors, comment s'étonner qu'elle soit restée sourde à nos appels aux remises en activité, aux nationalisations d'usines pouvant produire des masques ou des bouteilles d'oxygène ?
La crise du covid-19 nous plonge plus avant dans un monde de tous les périls – que nous ne pourrons jamais affronter dans ce cadre du capitalisme globalisé et du productivisme effréné.
Il est temps de mettre un terme au grand déménagement du monde, les pouvoirs en place n'ayant cessé de multiplier les traités de libre-échange. Même au plus fort de la crise, vous avez été capables d'en signer ! Il faut réorienter en profondeur notre politique agricole. Le temps est aussi venu de relocaliser notre production alors que le Gouvernement n'a cessé d'encourager les délocalisations et de céder les fleurons de notre industrie : Alstom, Technip, Alcatel, Latécoère et tant d'autres.
Il faut développer des activités qui ont du sens dans un contexte de nécessaire révolution écologique – l'isolation thermique, les énergies renouvelables, les transports ferroviaires et fluviaux – à un moment où Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont les yeux rivés sur l'aéronautique et l'automobile, deux secteurs qui ont bénéficié des récentes aides.
Nous nous sommes arrêtés, chers collègues. C'est incroyable : l'économie s'est arrêtée ! N'est-ce pas le moment de nous interroger sur ce dont nous avons réellement besoin ? Il faut adosser la production aux besoins réels de toutes et tous et non créer des besoins artificiels destinés à accroître les profits. Tel est le sens de la révolution que nous voulons promouvoir.
Enfin, il est plus que temps de soutenir franchement les PME et les TPE, les très petites entreprises. Il faut aussi cesser donner des milliards aux grandes entreprises sans aucune contrepartie. Il ne faut pas laisser aux géants du numérique la liberté de développer ce secteur en fonction de leurs appétits financiers. Il faut garantir les libertés individuelles et collectives dans le développement du numérique et l'égalité d'accès à ce progrès technique.
En résumé, il faut faire une révolution copernicienne. Or vous êtes enfermés dans un cadre qui ne permet pas de la mener.