Intervention de Brune Poirson

Séance en hémicycle du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Débat sur l'opportunité d'une quatrième révolution industrielle écologique et numérique

Brune Poirson, secrétaire d'état auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire :

Mesdames et messieurs les députés, je suis très heureuse de vous retrouver ici pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire et je remercie M. Balanant d'avoir programmé un débat sur un thème crucial puisqu'il s'agit de concilier l'indépendance industrielle de la France, la préservation de l'environnement et la solidarité.

La troisième révolution industrielle, dont notre modèle actuel est issu, était une révolution des outils numériques dont l'objectif était d'augmenter la productivité du travail. Au XXIe siècle, dans un contexte de crise environnementale et sociale, l'accélération de la quatrième révolution industrielle doit avoir pour but d'améliorer la productivité en matière de ressources.

Vous êtes nombreux à l'avoir souligné : les ressources naturelles et la biodiversité ne sont ni éternelles ni extensibles à l'infini. C'est pourquoi nous devons gagner en productivité dans notre consommation des ressources naturelles et, comme nous y appelle Andrew McAfee, l'un des penseurs de la quatrième révolution industrielle, découpler la création de richesses et la consommation des ressources naturelles.

En ce sens, la crise sanitaire que nous venons de vivre a mis en évidence ce que nous ne souhaitons plus : tout d'abord une dépendance au tout jetable alors même que nos capacités de production ne sont pas infinies et que les matières déjà présentes dans nos territoires pourraient être récupérées et devenir un actif pour ces derniers ; ensuite, un manque de souveraineté dans certains secteurs clés de notre économie, pour lesquels nous dépendons parfois à 100 % d'importations ; enfin, un système économique qui peine à prendre en compte dans ses indicateurs des valeurs qui comptent de plus en plus pour une grande partie de la population – je pense à la santé ou à la qualité de l'environnement, de l'eau, de l'air ou de la biodiversité.

La crise a également révélé que ce qui nous paraissait impossible peut aujourd'hui devenir évident. Penser l'impensable, c'est ce à quoi nous a invités le Président de la République.

Nous pouvons tirer deux conclusions de la crise sanitaire. La première est qu'elle doit être l'occasion de refonder un modèle économique et industriel plus vertueux, au service de l'humain, capable de redonner du sens aux Français. Cela paraît évident mais tout l'enjeu est bien sûr de savoir comment mettre en place ce nouveau modèle, je vais y revenir.

La seconde conclusion est que nous avons besoin d'une nouvelle révolution industrielle. Nous devons donc accélérer le déploiement de la quatrième révolution industrielle, afin de réconcilier trois aspirations fortes des Français : la souveraineté, la solidarité et le respect de l'environnement – tout cela en même temps, sans mauvais jeu de mot…

Pour ce faire, l'économie circulaire offre une méthode : nous devons passer du « quoi » au « comment », c'est-à-dire à la mise en oeuvre concrète d'un nouveau modèle et à sa déclinaison dans les territoires.

De quoi s'agit-il ? D'un système fondé sur une meilleure gestion des ressources naturelles pour en limiter le gaspillage et pour s'assurer que les processus industriels sont plus efficaces mais aussi plus compétitifs.

Il s'agit aussi d'un système de production plus vertueux, avec des produits faits pour durer et fabriqués dans des matières qui peuvent être récupérées. La matière doit devenir un actif des entreprises.

Enfin, il s'agit d'un système de production ancré dans les territoires. La solidarité doit être au coeur de la relance économique et de la quatrième révolution industrielle. Cette dernière repose avant tout sur des outils censés répondre à un objectif politique. Je pense aux nouvelles technologies, à l'innovation, aux nouveaux modes de collaboration, tout ce que j'appelle les « formes extrêmes de collaboration », entre acteurs – organisations non gouvernementales, entreprises, État, associations, etc. – et entre disciplines – numérique et biologie, par exemple. Ces différentes collaborations sont accélérées par la quatrième révolution industrielle, qui permet l'émergence d'un système intelligent, réactif et adaptable, notamment lorsqu'une crise aussi imprévisible que celle que nous venons de connaître vient heurter nos sociétés.

Quant aux bénéfices de ce nouveau modèle industriel, ce sont le renforcement de notre indépendance stratégique dans des secteurs clés, pour protéger les Français et réduire notre dépendance aux importations, mais aussi la préservation de l'environnement, des ressources et de la biodiversité – vous avez souligné l'importance de la nature, monsieur Balanant – et le renforcement de la solidarité, avec la création d'emplois durables.

Nous ne partons pas de zéro : la France peut s'appuyer sur un socle solide non seulement en matière de nouvelles technologies, mais aussi en matière d'économie circulaire. Celle-ci pourrait être une réponse à la crise économique en créant de la richesse dans l'ensemble des territoires et en protégeant notre souveraineté. Le déchet est par nature une ressource produite localement. La collecte, le tri et le recyclage des déchets représentent donc autant d'occasions de créer des emplois dans nos territoires. L'économie circulaire est donc aussi une réponse à la crise sociale parce qu'elle permet de créer, dans chaque territoire, des emplois qui ont du sens. Je rappelle qu'une tonne de déchets recyclés permet de créer dix fois plus d'emplois qu'une tonne enfouie.

Enfin, l'économie circulaire apporte une réponse à la crise écologique, puisque intrinsèquement respectueuse des ressources de la planète. L'objectif de 100 % de plastiques recyclés d'ici à 2025 permet d'économiser l'équivalent des émissions de dioxyde de carbone de quatre centrales à charbon.

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