Le débat qui nous est proposé aujourd'hui par nos collègues socialistes revêt une importance particulière. En effet, il doit nous permettre d'aborder la question centrale de la souveraineté française et européenne en matière d'approvisionnement et de production de médicaments.
Nous faisons tous le même constat : le problème n'est pas récent – je vous épargne les chiffres qui ont déjà été cités. La crise sanitaire que nous traversons aura, hélas, été le révélateur de craintes légitimes.
À plusieurs reprises ces dernières semaines, il a été fait état de risques de rupture dans certains stocks de la pharmacopée française. Ainsi, les curares et les hypnotiques nécessaires pour l'intubation des patients en réanimation, ont connu une utilisation si intense que nos hôpitaux ont alerté sur une possible pénurie. Des difficultés similaires ont été rapportées pour les matières premières et les réactifs servant à la production des tests de dépistage.
Nous avons bien conscience de la situation inédite que constitue l'émergence d'un virus inconnu et meurtrier dans le monde entier pour tous les services de santé, ainsi que pour la filière industrielle du médicament. Lorsque l'ensemble des pays du monde ont besoin des mêmes produits, en même temps et en grosse quantité – la consommation a été multipliée jusqu'à 2 000 fois son volume habituel – , les tensions sur les chaînes de production et sur les circuits d'approvisionnement sont inéluctables.
Aussi, nous tenons à saluer la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la sphère publique et privée qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour garantir l'acheminement aux établissements de santé et aux laboratoires.
Si nous attendons avec intérêt les éclairages du Gouvernement sur la stratégie nationale de production et d'importation des médicaments, nous tenons à souligner la réactivité de celui-ci, aidé par les autorités sanitaires, quand il s'est agi d'identifier, réguler et optimiser la gestion des produits, dont les sources se sont taries. Rappelons que la production française de médicaments a été divisée par deux entre 2008 et 2017 !
Néanmoins, alors que nous observons une décroissance de l'épidémie sur le territoire, il apparaît nécessaire que le Gouvernement nous fasse part de son analyse du contexte particulier de l'approvisionnement en médicaments pendant la crise, mais aussi de sa vision globale de la production pharmaceutique nationale, ainsi que des perspectives d'ajustement et d'amélioration de celle-ci.
À ce titre, le groupe MODEM et apparentés a plusieurs questions à formuler.
Tout d'abord, le Premier ministre a annoncé la constitution d'un stock national stratégique, destiné à organiser une gestion rigoureuse, régionalisée, en fonction des besoins exprimés par les établissements de santé et les médecins libéraux. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les modalités de création de ce stock d'État ? De quels médicaments est-il question ?
La crise a révélé ou plutôt confirmé l'extrême dépendance des pays européens vis-à-vis de la Chine pour la production des principes actifs de nombreux médicaments ou de tests. Si des laboratoires privés continuent à produire in fine en France, les matières premières indispensables à la fabrication de nombreux génériques ne semblent plus provenir que d'un seul pays dont les prix défient toute concurrence. Actuellement, seuls 30 % d'entre eux sont produits chez nous, et le taux tombe à 17 % pour les médicaments utilisés à l'hôpital !
Ne serait-il pas pertinent de garantir un nombre minimum de filières de production entièrement implantées sur le territoire national, voire européen ? Le Gouvernement envisage-t-il d'engager un transfert ou une relocalisation de certaines productions ? Si oui, lesquelles ?
L'action de relocalisation implique un effort sur le long terme puisque l'industrie pharmaceutique est soumise à des règles sanitaires strictes et à des protocoles complexes. Dès lors, le Gouvernement compte-t-il établir, en collaboration avec les agences sanitaires compétentes, un plan d'action visant à remodeler le maillage national de la production médicamenteuse, et à quelle échéance ?
Enfin, la pandémie de covid-19, par définition sans frontières, a fait émerger les mêmes préoccupations dans la plupart des pays européens. Dès lors, il nous semble fondamental d'aborder l'ensemble des questions à l'échelle de l'Union européenne. Le Président de la République a d'ailleurs appelé de ses voeux la construction d'une Europe de la santé en début de semaine. Hier, la nécessité d'une souveraineté sanitaire européenne a d'ailleurs été souvent évoquée. Si nous partageons totalement cette ambition, elle ne pourra se réaliser que si la totalité du spectre sanitaire est prise en compte. Une approche communautaire de la production de médicaments y a donc toute sa place !
Le groupe MODEM réaffirme ici sa confiance en la capacité du Gouvernement à tirer les enseignements de la situation extraordinaire pour parvenir à consolider les fondations de notre sécurité sanitaire.