Notre système de santé a tenu. Face à l'épidémie de covid-19, nous le répétons à l'envi, notre système de santé a tenu. Mais qu'en est-il de nos soignants, eux qui étaient déjà fatigués, épuisés, surmenés, bien avant que la crise sanitaire ne vienne s'ajouter à la crise structurelle dans laquelle notre système de soin était plongé depuis de nombreuses années ? Hier encore, ils se retrouvaient bien seuls dans les manifestations qui se sont multipliées ces derniers mois. En grève, mais au travail, ils n'ont eu de cesse de se mobiliser et de nous enjoindre de leur donner plus de moyens, mais ils n'ont pas vu leur situation s'améliorer au fur et à mesure des plans qui s'accumulaient. Or, même s'ils étaient éprouvés, nous n'avons pas eu à aller les chercher pour les trouver prêts à nous soigner et prêts à nous protéger d'un virus dont nous ignorions tout.
Notre système de santé a tenu et, s'il a tenu, c'est grâce aux soignants, aux soignants, qui, en faisant leur devoir, ont fait plus que leur travail, aux soignants, qui ont sauvé tant de vies, parfois au péril de la leur. Aux soignants et à leurs familles, qui, pour certaines, les pleurent, nous devons exprimer notre reconnaissance. Nous devons l'exprimer aux infirmiers et aux infirmières, aux aides-soignants, aux médecins, aux hospitaliers, aux libéraux, aux personnels des établissements médico-sociaux et des EHPAD, aux ambulanciers, aux pharmaciens, aux urgentistes, à tous ceux qui ont permis à notre système de santé de résister à cette première vague épidémique, malgré le manque de protections, malgré le manque de personnels, malgré le manque de médicaments, malgré les fermetures de lits et de services qui ont précédé, malgré les perpétuelles restrictions budgétaires. Ils ont résisté malgré le manque de reconnaissance, auquel nous ne pouvons plus les habituer.
Le système a tenu à l'hôpital, car tous les personnels se sont adaptés en un temps record au chamboulement causé par la prise en charge des nouveaux patients. Il a tenu, car les soignants des cliniques privées sont venus en renfort, car les membres de la réserve sanitaire se sont déployés, partout où cela a été nécessaire. La médecine de ville a dû se réinventer pour reconstruire une proximité mise à mal par un virus invisible mais destructeur. De nombreux centres de détection des malades du covid-19 ont été mis sur pied grâce aux médecins libéraux. Les infirmiers libéraux et les kinésithérapeutes se sont également mobilisés, pour compenser les soins déprogrammés ou les fermetures d'établissements médico-sociaux. Dans chaque territoire, des solidarités nouvelles et des coopérations essentielles ont été créées grâce aux soignants, souvent aidés par des collectivités territoriales.
Comme si tous les efforts déployés par les soignants ne suffisaient pas, il a fallu que certains paient le prix de leur propre vie. Ils laissent derrière eux des familles endeuillées. Notre reconnaissance éternelle ne parviendra jamais à atténuer la douleur de ceux qui ont vu leurs proches donner leur vie pour la nôtre.
Chers collègues, notre système de santé a résisté, mais tous nos soignants n'ont pas tenu. Certains ont disparu. Les autres sont plus qu'épuisés : ils sont fragilisés physiquement et psychologiquement par la catastrophe qu'ils ont traversée et qui est loin d'être terminée. Ils ont peur pour leur vie, pour celle de leur famille. Ils sont traumatisés d'avoir eu à supporter tant de douleur, à accompagner jusqu'à leur dernier souffle les personnes qu'ils n'ont pu sauver.
Aussi, nous le savons, la reconnaissance symbolique est loin d'être suffisante. Tous les applaudissements et toutes les médailles du monde ne suffiront ni à remercier ni à rétribuer le travail des soignants. En mars dernier, le chef de l'État a pris l'engagement qu'à l'issue de la crise, un plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières serait construit pour l'hôpital. Hier, les concertations dans le cadre du Ségur de la santé ont débuté. Chers collègues, les mots et les promesses ne suffisent plus ; nous devons, à notre tour, être à la hauteur des exploits et des efforts de ceux qui, jour après jour, nous sauvent la vie.
C'est pourquoi la véritable reconnaissance que le pays doit leur offrir est d'accéder aux demandes qu'ils nous formulent depuis tant d'années, de leur faire confiance quant à la manière dont ils disent pouvoir faire vivre notre système de santé, de les rémunérer justement et de leur donner les moyens de nous soigner. La véritable reconnaissance que nous leur devons, c'est de faire en sorte, plus que jamais, qu'ils n'aient plus à se sacrifier comme ils l'ont fait pour nous protéger.
Pour conclure, je tiens à mon tour à rendre hommage à un soignant, le docteur François Pernin, médecin très connu en Corse qui n'a pas hésité à remonter en première ligne malgré ses 70 ans, alors qu'il goûtait une retraite bien méritée – cela résume bien l'état d'esprit de nos soignants. Actuellement en soins de suite, il va vite nous revenir.