C'est avec une certaine émotion que nous reprenons ce texte. Depuis nos discussions d'il y a quelques mois, et dans le contexte très particulier de l'épidémie, ce sujet prend en effet une résonance nouvelle.
La mort d'un enfant est une tragédie sans équivalent, et ce n'est pas en quelques jours ou en quelques mois qu'on peut la surmonter ; c'est parfois la tragédie d'une vie tout entière.
Face à cette épreuve terrible, il faut que la nation se mobilise. Notre devoir collectif est d'accompagner le plus et le mieux possible nos concitoyens. Nous devons aussi rester humbles, car nous avons beau donner de l'ampleur à notre action, elle ne sera jamais à la hauteur du drame vécu. Elle constitue en tout cas un signal pour les familles, dont la souffrance est grevée de démarches administratives parfois inextricables, d'inégalités territoriales et d'un tabou sociétal – beaucoup osent à peine en parler.
L'émotion suscitée par le sort réservé en première lecture à votre proposition de loi, monsieur Bricout, a mis en lumière l'ampleur et la diversité de ces difficultés, parfois ignorées par la société. Il faut donc y remédier en bâtissant un système protecteur complet, un système dans lequel la douleur terrible de la perte de l'enfant est pleinement reconnue par la société ; un système dans lequel les pouvoirs publics apportent dans la durée une réponse à la hauteur des besoins des familles endeuillées. C'est précisément ce système ancré dans la solidarité nationale qu'il vous est proposé aujourd'hui d'adopter définitivement.
Le texte que vous avez examiné la semaine dernière en commission et que vous avez voté à l'unanimité sans modification – ce qu'Adrien Taquet et moi-même tenons à saluer au nom du Gouvernement – a été considérablement enrichi par rapport à sa version initiale, grâce à un travail de coconstruction inédit.
Loin des polémiques, ce qui nous a toutes et tous collectivement guidés – en témoigne votre vote en commission – , c'est la volonté de créer le plus rapidement possible des droits nouveaux, simples d'accès, pour soulager concrètement les familles, mais aussi d'amplifier le travail remarquable d'accompagnement mené au quotidien par les associations que nous avons rencontrées plusieurs fois et que je salue.
Cet état d'esprit digne fait écho à la qualité des échanges que nous avons eus lors de ces concertations avec les associations et avec les partenaires sociaux. D'un format inédit, celles-ci ont été conduites en étroite collaboration avec le rapporteur, avec la majorité présidentielle – je voudrais citer notamment Sereine Mauborgne, Michèle Peyron, Christine Cloarec-Le Nabour, Mounir Mahjoubi, Véronique Hammerer, Bénédicte Pételle et maître Martin Lévrier – mais aussi avec tous les rapporteurs : Guy Bricout bien sûr, ainsi qu'Élisabeth Doineau, Catherine Di Folco et Catherine Deroche.
Cette mobilisation sans précédent a permis de faire un bond considérable et de dégager un plan d'action complet, constitué d'une pluralité d'axes de nature différente : législative – ce qui nous occupe aujourd'hui – , réglementaire, administrative et conventionnelle.
Il en ressort la création d'un véritable congé universel de deuil. Universel, car la douleur de la perte d'un enfant ne peut pas et ne doit pas être différenciée en fonction du statut : salarié, agent public, indépendant, demandeur d'emploi. La douleur est la même pour tous et la réponse doit être la même pour tous. Tous bénéficieront désormais de quinze jours ouvrés de congé de deuil dans le cas du décès d'un enfant jusqu'à vingt-cinq ans ou d'une personne à charge remplissant la même condition d'âge. Au-delà de ce congé de deuil et en fonction de la réaction de chacun, le traumatisme psychologique lié à la perte d'un enfant peut bien sûr justifier un arrêt de travail pour maladie.
Pour éviter des ruptures dans la prise en charge des parents, la proposition de loi prévoit désormais que le délai de carence habituellement applicable pour le versement des indemnités journalières est supprimé pour le premier arrêt survenant dans les treize semaines qui suivent le décès. Je redis l'engagement que j'ai pris au nom du Gouvernement devant le Sénat : le délai de carence applicable concernant le versement du complément employeur sera lui aussi supprimé dans les mêmes conditions ; il est d'ordre réglementaire. Ces dispositions viennent compléter le mécanisme de don de jours de repos entre salariés, inspiré par la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade, dite loi Mathys. Cet article, promu par la députée Sereine Mauborgne dont nous connaissons l'engagement, permettra la concrétisation de l'élan de solidarité qui s'exprime entre collègues lors de ces événements tragiques.
Comme je l'avais fait au Sénat, je tiens à souligner ici les attentes fortes exprimées par les associations vis-à-vis des partenaires sociaux, notamment en matière de retour à l'emploi des parents endeuillés. La mobilisation des partenaires sociaux, dans le cadre d'entreprises ou dans celui de l'accord de branche, constituera un maillon complémentaire à la réponse forte apportée par l'État, que ce soit en matière d'instauration d'un parcours administratif facilité, de prolongement des aides liées à l'enfant, de création d'une allocation pour les frais d'obsèques ou du renforcement de l'accompagnement psychologique.
Adrien Taquet va maintenant compléter ce propos initial.