Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mardi 26 mai 2020 à 15h00
Droits des travailleurs et accompagnement des familles après le décès d'un enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Il y a près de quatre mois, notre assemblée était loin de s'imaginer le drame dans lequel notre pays, comme l'ensemble du monde, allait plonger, ni la crise dans laquelle nous allions durablement nous installer. Nous ne savions pas que l'épidémie du covid-19 allait ébranler notre société et tous nous bouleverser. Jamais nous n'aurions pensé dire au revoir si vite et si brutalement à nos aînés, ni craindre avec tant de force pour la vie de proches et celle de nos enfants.

C'est donc marqués par l'épreuve que nous sommes invités à examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi de notre collègue Guy Bricout sur la douloureuse question du deuil d'un enfant. En janvier dernier, le texte visait à étendre de cinq à douze jours consécutifs la durée minimale du congé de deuil pour le décès d'un enfant mineur. Notre groupe Libertés et territoires avait bien entendu soutenu cette proposition, malgré ses limites – elle ne couvrait que le secteur privé et le coût du dispositif reposait uniquement, comme l'avait relevé avec raison la ministre du travail, sur les entreprises.

Mais que nous a-t-il été proposé à l'époque ? Rien, si ce n'est de laisser les partenaires sociaux négocier le droit pour les salariés de prendre des congés payés ou des jours de RTT dans la foulée du congé pour le décès d'un enfant. Le texte finalement adopté était bien en deçà de l'ambition de la proposition initiale. Son examen a suscité beaucoup d'incompréhensions, d'émoi, voire d'indignation chez nos concitoyens. Je ne veux pas revenir sur ce triste épisode, dont je veux croire qu'il aura rappelé l'importance des initiatives parlementaires et la nécessité de les écouter avec attention et sérieux.

Nous ne pouvons que nous réjouir du travail mené au Sénat et de l'engagement du Gouvernement, celui-ci ayant réparé ce qu'il avait lui-même qualifié d'erreur. Le compromis trouvé à l'article 1er porte à quinze jours le congé pour deuil d'un enfant. Nous saluons la proposition du Gouvernement de l'étendre pour le décès d'une personne à charge âgée de moins de vingt-cinq ans. Douze jours, quinze jours, un mois, aucun congé ne peut être suffisamment long pour atténuer la peine due au décès d'un enfant.

Le congé doit permettre aux parents d'effectuer les démarches liées à l'organisation des obsèques. Celles-ci peuvent être longues et éprouvantes : il faut constater le décès, le déclarer à la mairie et mettre à jour le livret de famille, sans compter les autres formalités administratives. Aussi, un congé d'une durée de quinze jours nous semble plus que nécessaire. Son financement est équilibré, puisqu'il est réparti entre l'employeur et la solidarité nationale.

Au-delà du compromis finalement trouvé, nous nous réjouissons que de l'échec soit née une opportunité. En effet, le texte ouvre désormais aux agents publics, aux indépendants et aux travailleurs non salariés agricoles le bénéfice du congé de deuil. Plus largement, la lecture du texte au Sénat a créé de nouveaux dispositifs au-delà du congé lui-même, notamment financiers, aspect non négligeable puisque des obsèques coûtent, en moyenne, 3 500 euros. Nous ne pouvons que saluer le maintien des prestations familiales à la suite du décès d'un enfant, l'instauration d'une allocation forfaitaire universelle ou encore le maintien de la prise en compte de l'enfant décédé, au titre des droits au RSA et à la prime d'activité. À cela s'ajoutent la suppression du délai de carence en cas d'arrêt de travail à la suite d'un décès et la protection contre le licenciement d'une durée de treize semaines.

Notre seule réserve porte sur l'article 2, qui étend le mécanisme du don de jours de repos à un parent dont un enfant à charge vient de décéder. Cette extension de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade, dite loi Mathys, nous paraît moins adaptée, car plus difficile à appliquer immédiatement après un décès. Elle fait appel à la solidarité entre collègues, qui ne peut s'exercer de la même façon selon la taille des entreprises.

Malgré cette réserve, toutes les dispositions du texte vont bien au-delà du répit que la proposition initiale souhaitait apporter. Elles reprennent d'ailleurs certaines mesures d'accompagnement proposées, l'été dernier, par notre collègue sénatrice Catherine Deroche. Nous devons nous réjouir du riche travail qu'a suscité cette initiative parlementaire, ainsi que du dialogue et de la coopération entre les deux chambres du Parlement. Nous remercions notre collègue et ami Guy Bricout pour sa persévérance : merci et bravo !

Le groupe Libertés et territoires soutiendra cette proposition de loi, que notre assemblée s'honorerait d'adopter à l'unanimité.

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