Il y a quatre mois, notre assemblée a débattu en première lecture d'une proposition de loi de Guy Bricout visant à octroyer des journées de congé complémentaires aux salariés des entreprises à la suite du décès d'un enfant mineur.
À cette question douloureuse, nous n'avons pas su alors apporter une réponse satisfaisante. La proposition de notre collègue était empreinte d'humanité, mais elle présentait aussi certains écueils. Seules les entreprises du secteur privé étaient concernées et la frontière de la condition de minorité des enfants suscitait également des interrogations. L'absence de rapport faisant état de discussions avec les partenaires sociaux sur cette question était également une source de difficultés pour en approuver les termes. Quant aux réponses apportées par notre assemblée en lieu et place de la proposition initiale, avec la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure une convention ou un accord ouvrant pour les salariés le droit de prendre leurs congés payés ou leur RTT acquis dans la foulée du congé de deuil, ainsi que l'extension du dispositif de don de jours de repos aux parents ayant perdu un enfant de moins de vingt ans, elles ont été comprises comme une fin de non-recevoir et ont, de ce fait, suscité l'indignation.
Si nous pouvons regretter collectivement de n'avoir su trouver alors le chemin d'une proposition de loi capable de nous rassembler, nous pouvons constater aujourd'hui que cela aura été un mal pour un bien. Fruit d'un travail de coconstruction entre les associations de soutien aux familles endeuillées, les partenaires sociaux, le Gouvernement et les parlementaires, la proposition qui nous revient aujourd'hui du Sénat répond très largement aux attentes des familles. Non seulement, en effet, elle traite de la question d'un congé de répit, mais elle s'attache également à soulager les conséquences administratives et financières qui ajoutent encore de la peine à la peine. Elle veille aussi à assurer une protection dans l'emploi dans une période de grande vulnérabilité et expérimente un parcours de prise en charge psychologique spécifique pour les familles endeuillées.
Ainsi, les discussions auront permis de belles avancées par rapport à la proposition initiale. Le congé, porté à quinze jours, a pu être étendu au décès d'enfants jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, et au-delà si l'enfant était lui-même parent. Le congé a également été étendu à un adulte qui a la charge effective et permanente de l'enfant, tenant compte ainsi des familles recomposées. La question du financement de ce congé a été réglée par une répartition entre l'entreprise et la solidarité nationale. Les travailleurs indépendants et les agents de la fonction publique, ainsi que les agriculteurs, bénéficieront de l'extension de jours de repos dans les mêmes conditions. Les parents bénéficieront, à la suite du décès de leur enfant, d'une protection de treize semaines contre le licenciement, analogue à celle qui est prévue pour les maternités. Les aides sociales et les allocations familiales ne seront plus coupées brutalement, mais prolongées de plusieurs mois. Une allocation forfaitaire sera versée aux familles endeuillées. Le délai de carence intervenant dans les treize semaines suivant le décès d'un enfant sera supprimé. Le texte prévoit par ailleurs l'expérimentation d'une prise en charge forfaitaire décloisonnée de la souffrance psychique des parents et des frères et soeurs.
Enfin, les échanges qui ont eu lieu à la faveur de cette proposition de loi ont démontré la nécessité qui s'impose collectivement à nous d'accorder de la place à la situation de deuil, de ne pas la reléguer dans les murs devenus trop grands des familles, mais de lui faire toute sa place dans la société, qui est notre humanité. Les situations dramatiques que connaissent certaines familles à la suite de la perte d'un proche, en raison des conditions sanitaires actuelles qui rendent impossible un accompagnement de fin de vie et obligent à des funérailles très limitées, ont encore démontré la nécessité de vivre les deuils socialement. Aussi devrons-nous certainement poursuivre notre réflexion pour mieux accompagner encore les personnes endeuillées, quelle que soit la personne chère qui a disparu.
Monsieur le rapporteur, les députés du groupe MODEM et apparentés vous remercient d'avoir porté la question du deuil à l'attention de notre assemblée. Ils vous remercient également pour votre bienveillance face à ce qui ne pouvait être qu'une incompréhension que nous avons, ensemble, su lever. Nous serons heureux d'adopter – à l'unanimité de notre assemblée, nous n'en doutons pas – cette proposition de loi visant à améliorer les droits des travailleurs et l'accompagnement des familles après le deuil d'un enfant.