… ce sont les réseaux sociaux qui ancrent dans notre quotidien la culture et le droit anglo-saxons ; ce sont les moteurs de recherche qui hiérarchisent notre accès à l'information et formatent notre débat démocratique ; ce sont enfin mille autres exemples qui témoignent de l'urgence d'inscrire le numérique au coeur du travail de nos institutions, non pas comme une matière en soi mais comme une grammaire qui détermine toutes les autres. Alors, à l'aune de ces débats ontologiques, l'application StopCovid n'est que peu de chose.
La polémique qui l'accompagne me semble en dire probablement un peu plus de nous que de l'application elle-même, j'aurai l'occasion d'y revenir. Mais il convient avant toute chose de préciser ce qu'est StopCovid, ce que fait l'application.
Son principe, présenté à de multiples reprises, est simple. Dès lors que vous l'aurez installée – de façon volontaire, comme cela a été rappelé par la garde des sceaux et par Olivier Véran – l'application enregistrera sur votre téléphone portable la liste des personnes croisées pendant plus de quinze minutes à moins d'un mètre – du moins celles qui l'ont également installée – , sans que vous ne connaissiez jamais leur identité.
Si vous êtes testé positif, StopCovid vous donnera la possibilité de notifier volontairement et instantanément ces mêmes personnes qu'elles ont été en contact avec une personne contaminée au covid-19 afin qu'elles puissent s'isoler, prévenir un médecin et, si nécessaire, être testées. De la même manière, l'application vous préviendra si l'un de vos contacts devait être testé positif – mais de manière anonyme : vous ne saurez jamais qui était le contact en question. La logique est la même que celle des équipes d'enquête sanitaire, et en cas de notification positive, la doctrine à suivre est également la même : vous devrez vous isoler, prendre contact avec votre médecin et vous tester. L'urgence commande, en effet, de couper les départs de feu et d'empêcher les résurgences de l'épidémie.
Les équipes d'enquête sanitaire, comme l'a indiqué Olivier Véran, sont la pierre angulaire de notre combat contre l'épidémie ; elles sont notre assurance vie en quelque sorte. Mais leur efficacité est limitée par au moins deux facteurs. D'abord, certains cas de transmission échappent au travail des enquêteurs : dans le bus ou le métro, dans les restaurants et les bars, s'ils rouvrent demain, ou lorsque vous faites la queue au supermarché. Dans ce cas, si vous avez été un peu trop proche, un peu trop longtemps d'une personne malade, jamais personne ne pourra vous prévenir. Ensuite, entre le moment où une personne est testée positive et celui où ces contacts sont prévenus, il peut se passer plusieurs heures voire plusieurs jours ; or, ces heures et ces jours sont décisifs, comme le montrent de nombreux travaux scientifiques, parmi lesquels ceux des équipes de l'Imperial College London. Olivier Véran l'a mentionné, plus de la moitié des contaminations sont le fait de personnes en période d'incubation ou asymptomatiques.
StopCovid n'est pas magique, …