Ce débat illustre combien la dimension éthique et politique des projets technologiques est importante et combien elle est maltraitée ici, malgré la bonne volonté de chacun – y compris la vôtre, monsieur le secrétaire d'État. L'urgence commanderait donc cette action inédite de l'État consistant à faire parler des machines ensemble au sujet de données sanitaires sensibles. En somme, savoir tout sans savoir qui ?
C'est au législateur qu'il appartient d'établir des principes si nous voulons pouvoir protéger nos concitoyens de la dictature du numérique. Au fond, ce qui nous taraude lors de l'examen de ce type de projets, à moins d'accorder une confiance aveugle aux nouvelles technologies, c'est que nous ne savons rien du fonctionnement de ces applications, dont l'essentiel est d'ailleurs – dans les décrets, par exemple, qui ne sont encore ni connus ni soumis à la consultation. Nous ne savons rien du contenu des algorithmes sur lesquels nous devrions auditionner des spécialistes, ni de l'effectivité des contrôles qui devraient en outre être renforcés dans les autorités indépendantes, la société civile et chez le juge. Nous vérifions sagement, madame la ministre, que les droits édictés sont protégés mais nous connaissons tous l'écart qui existe entre cette formulation et son caractère effectif.
Je ne pense pas que la lumière naîtra de ce débat, quoi qu'il soit justifié parce que l'État s'engage. La prudence doit être entendue. Vous êtes certainement nourris de bonnes intentions, mais je ne souhaite pas que l'État emprunte cette voie sans avoir réfléchi avec nous aux liens fondamentaux entre le numérique et notre contrat social. Ce que nous commande ce projet, c'est l'élaboration d'une charte du numérique avant que ne survienne une autre situation d'urgence. Il est donc urgent d'attendre.