Venons-en à l'anonymat. Certes, vous avez travaillé à ce que l'application émette des pseudonymes qui évoluent tous les quarts d'heure. Mais cette notion, qui relève du chiffrement, est piratable comme le sont toutes les solutions technologiques. Quelle société qui embauche, quel bailleur qui héberge, quelle banque ou assurance qui prête ou couvre n'a jamais souhaité connaître la situation de son cocontractant ?
C'est ici que la différence entre le tracing humain et le tracing numérique est fondamentale. Dans les brigades d'anges gardiens auxquelles participent les médecins, les salariés de l'assurance maladie et les bénévoles au sein des préfectures, c'est le service public de la santé qui assure le recensement des cas après un entretien médical. Avec l'application, c'est l'individu lui-même qu'on laisse face à sa conscience et à son choix de renoncer à l'un de ses droits les plus importants, le secret médical. C'est prendre le risque que nos propres données de santé, qui valent si cher, puissent se retourner contre nous. Si cela peut apparaître, à court terme, comme une protection, c'est, à échéance plus longue, une entrave trop grave à notre droit au secret.
J'achève sur la réversibilité que vous avez promise. Je sais que vous êtes de bonne volonté, mais je sais aussi que les bonnes volontés au service de mauvais outils ne survivent jamais à leur auteur. Je sais, pour l'avoir vu, ce qu'il advient des mesures de police administrative temporaires. Je sais que les prérogatives exorbitantes prises par l'administration en temps de crise ne sont jamais complètement rendues.