Gaston Bachelard écrivait qu'en matière de sciences, « on ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire » : la détruire en se posant les bonnes questions, en repartant des faits, du réel, d'une connaissance fondée. Voilà qui s'applique aussi au travail parlementaire. Sur un sujet aussi sensible, il était nécessaire de prendre le temps : le temps de poser clairement les termes du débat, le temps de s'interroger, le temps enfin d'apporter réponses et garanties aux difficultés soulevées. C'est ce que nous avons fait.
S'il est question de liberté plus que de technique, je me permettrai malgré tout de vous parler d'une équation : l'équation juridique complexe à laquelle nous sommes confrontés. Il y a, au coeur du sujet dont nous débattons aujourd'hui, une conciliation, délicate mais impérative, à opérer entre différents principes constitutionnels, qui pose la question de leur frontière. Se juxtaposent l'intérêt général, dont la santé publique relève éminemment – et c'est bien d'elle que nous parlons aujourd'hui – , mais aussi le respect de la vie privée et la liberté d'aller et venir, tous deux fondés sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Cette équation, j'ai la ferme conviction que nous sommes parvenus à la résoudre, en trouvant la conciliation protectrice de notre santé, de nos données et de nos libertés progressivement retrouvées.
Ma crainte initiale quant au dispositif dont nous débattons était celle d'une sorte de « Big Brother » : je ne voulais ni de caractère obligatoire, ni de géolocalisation, ni de conservation durable des données, ni d'autre finalité que celle de retracer les chaînes de contamination. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que la commission des lois, que je préside, se saisisse immédiatement : avec la vigilance et la prudence qui sont le propre du Parlement, nous avons auditionné la CNIL, un épidémiologiste et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, dès le début du mois d'avril. Nous vous avons fait part de nos doutes et de nos questionnements. Nous vous avons entendu de nouveau hier pour que des réponses soient apportées aux questions restées ouvertes.
Nos travaux, vos propos, les avis des différentes instances consultées nous ont apporté des réponses satisfaisantes. Les Français seront libres : libres d'installer ou non l'application, de l'activer ou non, de se désinscrire quand ils le souhaiteront. L'anonymat est garanti, la durée de conservation des données limitée, l'application sécurisée, indépendante de Google et d'Apple et strictement bornée dans le temps. Les garanties apportées sont donc à la hauteur des risques que nous aurions pu redouter.
Il n'aura en outre échappé à personne que nous n'examinons pas de texte aujourd'hui, pour la simple et bonne raison que StopCovid respecte parfaitement notre cadre juridique actuel. Permettez-moi donc de soupçonner ceux qui se permettent de dénoncer une dérive liberticide ou un outil de surveillance de faire preuve au minimum de mauvaise foi.