Intervention de Jean-Michel Pottier

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15
Commission des affaires sociales

Jean-Michel Pottier, vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises, CPME :

Je peux moi aussi témoigner de la qualité de la concertation menée par le Gouvernement : nous avons eu le sentiment de faire avancer les choses pas à pas. Malgré certaines préventions, les ordonnances n'étaient pas écrites dès le départ. Ainsi, le projet initial du Gouvernement était de renvoyer tous les accords au niveau de l'entreprise ; le texte final accorde au contraire une place tout à fait nouvelle à la branche professionnelle. Il faut signaler cette capacité à s'écouter, et à s'entendre.

Ces mesures sont à nos yeux historiques : c'est la première fois que le code du travail prend à ce point en compte les spécificités des petites entreprises.

Nous accordons beaucoup d'importance au renforcement de la branche et à son articulation avec l'accord d'entreprise. Le rôle de régulation de la branche est réaffirmé : c'est une sécurité pour les chefs d'entreprise comme pour leurs salariés. Le dialogue social qui se noue dans certains secteurs le montre déjà. Tout accord de branche devra comporter des mesures spécifiques aux TPE et PME : sans ces mesures, pas d'extension possible. C'est une incitation cruciale, qui pèsera naturellement dans le dialogue social au sein des branches. Enfin, un financement spécifique devrait permettre d'accroître la participation des représentants salariés et employeurs des petites entreprises aux négociations de branche.

Nous appelons de nos voeux depuis longtemps un dialogue social direct dans les TPE et PME. Les ordonnances l'instaurent, aux deux niveaux des entreprises de moins de cinquante et de moins de vingt salariés – dans ces dernières, le personnel pourra être directement consulté en l'absence de représentant élu. Le robinet du dialogue social est ainsi ouvert en grand, alors que jusque-là seul un petit filet d'eau coulait. Ce dialogue existe déjà en réalité, car le chef d'entreprise et ses salariés travaillent ensemble, et savent bien qu'il faut convenir d'une organisation, mais il sera ainsi sécurisé, et des accords d'entreprise en bonne et due forme remplaceront des accords tacites.

La mission du représentant du personnel change de nature, ce qui entraînera aussi à notre sens un profond changement du dialogue social. D'élu, assigné à un rôle de représentation et de revendication, il devient négociateur. La vision des salariés comme du chef d'entreprise changera considérablement, et les comportements devraient en être profondément modifiés : les petites entreprises auront intérêt à disposer d'un représentant du personnel, avec qui elles pourront négocier, et la pression des salariés sera également forte pour ce représentant.

Enfin, ces nouvelles règles constituent pour les organisations syndicales, qui ne l'avouaient pas dans un premier temps, un formidable appel d'air, si elles sont capables d'offrir des services qui correspondent à la réalité des besoins des TPE-PME, surtout lorsque celles-ci sont en difficulté. Les syndicats pourront alors jouer un rôle accru.

Parmi les mesures phares, il faut signaler la barémisation des dommages et intérêts en cas de rupture du contrat de travail sans cause réelle ou sérieuse, c'est-à-dire de licenciement dit abusif. C'est un signal important pour les TPE-PME : ces jugements prud'homaux, pour des raisons d'ailleurs souvent plus de forme que de fond, tenaient de la loterie pour les salariés – le Premier ministre nous a fait part d'une étude montrant que les montants pouvaient varier de un à quatre suivant le tribunal, pour une même cause – mais aussi de la roulette russe pour les employeurs. De telles condamnations provoquaient parfois la mort lente de l'entreprise. Tout cela est fini.

Le Gouvernement nous a promis un traitement fiscal et social unifié des ruptures ; il faudra aller jusqu'au bout de cette démarche. Jusqu'ici, la procédure est pousse-au-crime : plus on va loin, moins la charge sociale et fiscale est lourde.

Nous nous attendons à un assèchement des contentieux : toutes les parties en présence connaissent les montants en jeu ; dès lors, elles préfèreront plus souvent une conciliation rapide à un procès long, fastidieux et paralysant pour l'entreprise. Il est essentiel à nos yeux de faciliter les médiations, afin que l'entreprise sorte plus vide du contentieux et reparte vers de nouveaux projets.

Ces mesures constituent à notre sens un tournant historique dont nous nous félicitons.

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