Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Séance en hémicycle du mardi 2 juin 2020 à 15h00
Accord de coopération avec l'inde sur le trafic illicite de stupéfiants — Présentation

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'état auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

L'Inde, vous le savez, est un partenaire stratégique majeur de la France. Les échanges à haut niveau sont réguliers et fréquents : le Président de la République a effectué une visite d'État en Inde en mars 2018 ; Narendra Modi, Premier ministre indien, est lui-même venu en France en 2017, puis en 2019. Ce fut d'ailleurs le premier déplacement de son nouveau mandat en dehors de son voisinage immédiat – il s'était rendu au château de Chantilly. Naturellement, il fut également l'invité du sommet du G7, qui s'est déroulé en août dernier dans la belle ville de Biarritz. Jean-Yves Le Drian a lui aussi effectué plusieurs déplacements en Inde, et devrait s'y rendre à nouveau dans les tout prochains mois, tout comme Florence Parly. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de m'y rendre en juin 2019.

Je tiens ici à souligner le rôle de la diplomatie parlementaire, qui contribue également à animer une relation bilatérale riche et un dialogue politique dense avec la plus grande démocratie du monde.

Je sais que le groupe d'amitié de l'Assemblée nationale devrait effectuer une mission en Inde au cours des tout prochains mois, après avoir reçu les personnalités d'avenir du club Young Leaders France-Inde à l'occasion de leur venue à Paris.

Depuis 1998, nos deux pays sont liés par un partenariat stratégique impliquant une coopération étroite dans les secteurs de la défense, du nucléaire civil, de l'espace et de la sécurité. Ce partenariat se traduit également par un dialogue stratégique donnant lieu à deux réunions par an, dont la dernière s'est tenue il y a quelques semaines, le 21 février 2020. Nous menons avec les autorités indiennes des discussions sur des projets majeurs, comme celui portant sur la construction de six réacteurs européens à eau pressurisée – EPR – à Jaitapur.

La relation entre la France et l'Inde a été renforcée au cours des dernières années, notamment en 2016, lors de la signature du contrat d'acquisition de trente-six avions Rafale. Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la défense, s'était fortement impliqué pour le succès de ce contrat d'exportation, dont le premier avion a été livré à l'Inde il y a quelques mois, le 8 octobre 2019.

Cette relation singulière a connu un moment fort lors de la visite d'État en Inde du Président de la République, en mars 2018. Plusieurs accords ont été signés à cette occasion, outre celui qui fait l'objet de la présente séance : un accord de soutien logistique entre nos forces armées, un accord général de sécurité relatif à l'échange et à la protection de l'information, un accord de coopération dans le développement urbain durable, un accord de reconnaissance des diplômes et un accord portant sur les migrations et la mobilité.

La relation privilégiée entre la France et l'Inde s'inscrit dans le cadre plus large de l'espace indo-pacifique, une région à laquelle le Président de la République est particulièrement attaché. Forte de ses territoires des océans Indien et Pacifique, la France joue en effet pleinement son rôle dans cet espace géopolitique dont l'Inde est à la fois l'une des puissances majeures et l'un de nos partenaires les plus proches.

La crise liée au covid-19 a certes contraint à reporter quelques visites, mais n'a pas entamé l'excellente qualité de ces relations bilatérales. Le Président de la République et le premier ministre indien se sont entretenus par téléphone le 31 mars et le sujet de la pandémie leur a donné l'occasion d'ouvrir de nouvelles perspectives de coopération dans des domaines aussi essentiels que la santé ou l'accès aux médicaments.

L'accord intergouvernemental soumis à votre approbation est relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes. Comme je l'ai indiqué, il fut signé le 10 mars 2018, lors de la visite présidentielle à New Delhi, et s'inscrit dans la dynamique d'une relation étroite et dense. Il a pour ambition de structurer et de renforcer la coopération franco-indienne dans un domaine qui constitue un enjeu majeur de sécurité et de santé publique pour nos deux pays à un moment où, on le sait, les trafics illicites de produits stupéfiant ne cessent, hélas, de progresser à l'échelle mondiale. L'Inde s'impose aujourd'hui comme un partenaire essentiel pour la France sur ces sujets.

Au-delà des enjeux bilatéraux, cet accord permet aussi de faire prévaloir une réponse internationale équilibrée au problème de la drogue, tenant compte des impératifs de lutte contre le trafic de stupéfiants mais également des besoins en matière de prévention. Il s'appuie pour cela sur des mesures socio-sanitaires scientifiquement validées, dans un cadre respectueux des droits de l'homme. Or cette démarche, pourtant consacrée par le document final de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée au problème mondial de la drogue en 2016, fait aujourd'hui l'objet d'une remise en cause de plus en plus fréquente, sous la double pression des pays les plus libéraux et des plus conservateurs. Il est important de conserver l'équilibre qui avait été trouvé, ce à quoi participe la signature du présent accord.

Sur le plan de la sécurité, le renforcement de notre coopération bilatérale avec l'Inde est nécessaire pour mieux appréhender la menace que j'évoquais à l'instant. L'Inde se trouve à proximité d'une zone de transit, de production et de consommation de stupéfiants, au carrefour de plusieurs zones de production d'opiacés. Il est donc important d'y lutter sans relâche, car le trafic de stupéfiants constitue également l'une des premières sources de revenus des réseaux terroristes islamistes opérant dans le sous-continent indien, notamment en Afghanistan.

Premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l'Inde en matière de coopération policière, le présent accord constitue un jalon essentiel dans l'atteinte de ces objectifs. Il nous permettra de conduire des actions de coopération visant à réduire la production de stupéfiants, notamment de précurseurs chimiques, mais également de mener des actions conjointes d'éducation et de sensibilisation des populations vulnérables.

La coopération opérationnelle et technique entre les services spécialisés de nos deux pays se poursuivra et ira croissant, au travers d'échanges d'informations, de bonnes pratiques et d'expériences. Des formations théoriques et pratiques et la fourniture d'une assistance technique et scientifique à l'intention des services indiens sont également prévues dans le cadre de cet accord.

L'ensemble des garanties nécessaires en matière de protection des données à caractère personnel sont prévues. Il s'agit, comme vous le savez, d'un point auquel la France est particulièrement attachée. Nous nous sommes donc assurés que l'accord garantisse que les échanges ne pourront s'effectuer que dans le respect le plus strict de la législation nationale de chaque pays, apportant ainsi à nos ressortissants le niveau adéquat de protection de leur vie privée. Un socle d'obligations et de garanties fondamentales en matière de protection des données personnelles est ainsi prévu, en deçà duquel aucune opération de traitement ou de transfert de données ne pourra être réalisée.

Je souhaiterais conclure en soulignant l'importance que revêtira à double titre, pour notre pays, la mise en oeuvre de cet accord – dont l'Inde a d'ores et déjà mené les procédures internes nécessaires à son entrée en vigueur : cet accord contribuera à la conduite de notre stratégie internationale en matière de lutte contre la drogue et permettra de conforter la dynamique bilatérale souhaitée par le Président de la République avec l'Inde sur les questions stratégiques et de sécurité.

À cet égard, s'agissant d'une problématique connexe mais très liée, je tiens à rappeler que devrait se tenir en Inde, à la fin de cette année, la troisième édition de la conférence « No money for terror » – pas d'argent pour le terrorisme – , conférence de lutte contre le financement de Daech et d'Al Qaïda, qui s'inscrit dans la continuité d'une initiative lancée par le Président de la République à Paris en avril 2018. En préalable à cette échéance, que nous souhaitons préparer en concertation étroite avec nos partenaires indiens, l'entrée en vigueur du présent accord apparaîtra comme un premier symbole de la vitalité nouvelle de la coopération entre nos deux pays en faveur de la lutte contre les menaces d'origine non étatique et de la préservation de la sécurité nationale.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les enjeux de cet accord dont j'espère qu'il sera approuvé par la représentation nationale.

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