Intervention de Valérie Thomas

Séance en hémicycle du mardi 2 juin 2020 à 15h00
Accord de coopération avec l'inde sur le trafic illicite de stupéfiants — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Thomas, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Notre assemblée est saisie cet après-midi d'un accord signé en mars 2018 par la France et l'Inde. Cet accord porte sur la prévention de la consommation illicite et la réduction du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes. Il inclut ainsi le trafic de certains médicaments, comme la morphine ou les antidépresseurs. Ce nouveau partenariat porte également sur le trafic illicite de précurseurs chimiques. Ces composés se trouvent détournés du commerce légal, notamment pharmaceutique, pour fabriquer des stupéfiants. On peut citer le cas de la pseudoéphédrine, qui peut être utilisée légalement pour fabriquer un médicament contre la grippe mais aussi illégalement pour fabriquer de la métamphétamine. Je tiens à souligner que même s'il n'existe pas véritablement de route directe pour le trafic de drogues entre nos deux pays, l'Inde, située à proximité des régions du Triangle d'or et du Croissant d'or, reste néanmoins un pays de transit pour les trafiquants de la région.

Nous en avons conscience avec sans doute davantage d'acuité en cette période particulière : l'Inde accueille sur son territoire une très puissante industrie pharmaceutique qui connaît, elle aussi, de nombreux détournements de médicaments, notamment de tramadol et de morphine, ainsi que de précurseurs de drogues. Comme pour les stupéfiants, ces détournements financent la criminalité internationale, dont le terrorisme, et affectent la santé des populations.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, l'accord présenté aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de coopérations plus vastes que la France a engagées avec l'Inde et rejoint aussi les initiatives bilatérales récentes entre nos deux pays pour lutter contre la fraude médicamenteuse. Il permettra de renforcer la sensibilisation de l'Inde à ce type de fraude tout en confortant notre relation privilégiée avec ce pays.

Le contexte de la crise sanitaire provoquée par la covid-19 nous conduit à une réflexion sur la santé mondiale, plus particulièrement sur la nécessité de sécuriser les approvisionnements de médicaments en France. Cette préoccupation est légitime et la question de notre autonomie sanitaire devra être abordée de façon lucide au sein de notre assemblée et plus globalement à l'échelle européenne, mais pas dans le cadre de la présente discussion.

Revenons donc à cet accord, dont il faut souligner qu'il est innovant à plusieurs égards. Premièrement, il s'agit du premier engagement bilatéral franco-indien en matière de coopération policière juridiquement contraignant. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'un accord policier global, mais d'une convention policière sectorielle ciblant la lutte contre la consommation et le trafic des différentes substances précédemment évoquées. C'est pourquoi sont détaillées avec une grande précision les modalités de coopération entre nos pays dans ce domaine. Enfin, soucieux de coopérer de façon globale, nos deux pays ont choisi de se pencher, au-delà de la seule répression, sur les sujets tout aussi importants que sont la prévention et le traitement des consommateurs, deux domaines encore insuffisamment développés en Inde.

Deux sortes de coopération sont prévues par l'accord : l'une technique et l'autre opérationnelle. La coopération technique, décrite aux articles 3 et 4, comprend notamment la transmission d'études, les échanges juridiques ou d'expertises entre agents spécialisés de chaque partie et l'organisation de formations. La coopération opérationnelle, détaillée aux articles 3 et 5, inclut des échanges d'informations, y compris de données à caractère personnel, et la mise à disposition d'équipements et de ressources humaines pour les opérations.

Cette coopération entre la France et l'Inde, technique et opérationnelle, apparaît donc aujourd'hui plus que jamais indispensable. L'Inde est en effet confrontée à une progression de la consommation et du trafic de drogue. La hausse de la pauvreté provoquée par la crise sanitaire pourrait encore aggraver la situation. Avec cet accord, nos deux pays unissent leurs forces pour faire face.

Toutefois, nos efforts pour renforcer notre sécurité commune – qu'il s'agisse de notre sécurité sanitaire ou de notre sécurité physique, avec la lutte contre le terrorisme – ne doivent pas nous conduire à négliger la liberté des citoyens. Lors des négociations, la France a porté une attention particulière aux dispositions concernant la protection des données à caractère personnel. Celles-ci disposent d'un haut niveau de garanties, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de la ratification de cet accord.

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