Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 2 juin 2020 à 15h00
Accord de coopération avec l'inde sur le trafic illicite de stupéfiants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

C'était oublier un peu rapidement qu'Emmanuel Macron espérait vendre à l'Inde six réacteurs EPR pour créer, dans un petit village portuaire, la plus grande centrale nucléaire de la planète. Malgré la contestation des villageois, souvent des agriculteurs et des pêcheurs, qui craignaient les conséquences écologiques d'un tel monstre, malgré le risque sismique dans la région, confirmé l'an dernier par un rapport officiel paru en toute discrétion, malgré le cauchemar sans nom auquel nous renvoie la simple mention de l'EPR de Flamanville, malgré aussi les déclarations de Nicolas Hulot, alors ministre de la transition écologique et solidaire, quant à la nécessaire sortie du nucléaire, malgré tout cela donc Emmanuel Macron s'est alors fait le VRP de l'industrie nucléaire, défendant une entreprise hors norme et anachronique. J'espère que la crise du covid-19 finira d'enterrer ce projet qui méprise les droits des communautés locales et menace la sûreté de toutes et de tous.

Je retiens également de cette visite diplomatique la franche proximité affichée par Emmanuel Macron avec Narendra Modi, qu'il est allé jusqu'à qualifier de frère, alors que celui-ci n'a cessé d'actionner le levier de la haine anti-musulmane pour consolider son pouvoir et sa popularité. Il y a quelques mois encore, les musulmans des quartiers Nord de Delhi subissaient des attaques meurtrières. Aujourd'hui, ils sont victimes de lynchages, car ils sont assimilés par les autorités nationalistes à des propagateurs actifs du virus.

Nous ne pouvons décemment défendre, d'une main, des valeurs et des droits que nous raturons de l'autre main. Une diplomatie qui se met des oeillères n'est plus une diplomatie : elle devient un marchandage. Je tenais à réaffirmer ici notre engagement en faveur d'une diplomatie qui, partout, élève les ambitions écologiques et démocratiques.

J'en viens au texte qui nous occupe. Premier pays producteur de médicaments génériques, l'Inde fait office de pharmacie du monde. L'accord que nous examinons entend, à raison, promouvoir la lutte contre la fraude médicamenteuse, phénomène massif aux conséquences dramatiques. L'OMS estime ainsi qu'un médicament sur dix est falsifié dans le monde. Quant à ceux qui sont commercialités sur internet – les premiers vers lesquels on se dirige en cas de pénurie – la moitié sont contrefaits.

La crise du covid-19 nous a forcés à regarder en face notre hyper-dépendance en matière de santé. Le fait que 95 % de nos médicaments proviennent de l'étranger doit nous faire prendre conscience de l'urgence de réintroduire de la souveraineté dans le champ sanitaire, en créant, comme nous le défendons, un pôle public du médicament.

En commission, madame la rapporteure, vous avez émis le souhait que cet accord soit un déclencheur et contribue à créer une vision différente du médicament. Il est effectivement urgent que certains produits sortent d'une logique de marché totalement délétère, qui accroît les vulnérabilités pour toujours rogner sur les coûts de production.

Ceci étant dit, pour les députés du groupe La France insoumise, l'accord semble aller dans le bon sens, notamment par sa défense d'une approche préventive de la lutte contre les stupéfiants, tandis que la ligne indienne était jusqu'alors essentiellement répressive. C'est pourquoi nous voterons ce texte.

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