Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'exprimer mon émotion à l'occasion de ce premier débat sur un texte international se tenant dans l'hémicycle sans notre collègue Claude Goasguen. C'est quelqu'un qui faisait vivre les débats et ne reculait jamais devant la confrontation d'idées. J'aurai l'occasion d'en dire quelques mots demain matin, lors de l'hommage qui lui sera rendu par la commission des affaires étrangères.
L'accord entre la France et l'Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, tente d'établir une synthèse minimale entre les positions de la France et de l'Inde sur ces sujets. Ce texte est un premier pas, et le groupe GDR votera pour.
L'Inde est une nation qui, bien que fondée sur une histoire commune très ancienne, est en proie à une terrible crise d'identité, doublée d'une crise politique. Les tensions interreligieuses extrêmes, attisées par le Premier ministre Narendra Modi, sont utilisées comme un instrument de gouvernement permettant de détourner l'attention des citoyens des vrais problèmes et de systématiquement se défausser de ses propres turpitudes sur des boucs émissaires. Cette politique-là n'est efficace que pour attiser la haine entre les citoyens, sans se préoccuper de résoudre les problèmes sociaux ou économiques. Pourtant, ce sont ces problèmes qui créent la misère, et c'est la misère qui fait tomber certains dans la consommation ou le trafic de drogue. Lorsque certains citoyens se sentent délaissés, sans argent, sans aide de la part du gouvernement, sans espoir de trouver un emploi, les mafias et les trafics en tout genre se développent.
La lutte contre le trafic de drogue devrait toujours avoir une visée sociale. La méthode qui entraîne les citoyens vers des emplois légaux dans le secteur formel est la plus difficile à employer, elle ne plaît ni aux populistes ni aux spécialistes de la haine, mais c'est pourtant la plus efficace. Protection contre le chômage, retraite, protection contre les maladies professionnelles, allocations familiales : la sécurité sociale française, malgré les tentatives répétées des gouvernements successifs d'affaiblir ou de privatiser cette puissante construction, est un véritable rempart contre l'extrême pauvreté.
En Inde, le secteur informel est si important que c'est la faim qui a tué les confinés, et non le covid-19. Les pays récemment décolonisés ont tous été victimes de la politique brutale de libéralisation des marchés intérieurs, de monoculture exportatrice et d'intégration sur les marchés internationaux. Des pays comme l'Inde ne se battent pas contre les mafias avec les mêmes armes que nous : le système international ultralibéral a empêché que se développent des services publics, les seuls à même d'éviter la misère et ses cohortes de vies brisées par la faim, le chômage ou la drogue.
Véritable espoir pour la politique indienne, l'État du Kerala, dirigé par des communistes, a su contenir l'épidémie de covid-19 en s'appuyant sur tous les citoyens, en particulier les femmes, dès l'arrivée de l'épidémie. Les résultats y sont probants malgré les très faibles moyens hospitaliers dont il dispose.
Voilà ce qu'il me paraissait important de souligner à ce propos.
Ce texte constitue bien une avancée en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, notamment, comme l'a souligné Mme la rapporteure, parce qu'il pourra être reproduit avec d'autres pays, qui occupent peut-être une place plus importante que l'Inde dans la chaîne internationale de production et d'exportation de la drogue. Il s'agit également d'une avancée dans la relation diplomatique bien faible que nous avons avec l'Inde.
Pour conclure, je voudrais souligner que nos relations diplomatiques avec l'Inde et le Pakistan pourraient conduire à l'instauration d'un dialogue entre ces deux puissances nucléaires en vue de la destruction de leurs armes atomiques respectives et de la création d'une zone dénucléarisée. Dans le cadre des travaux de la mission d'information sur l'arme nucléaire dans le monde cinquante ans après l'adoption du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, constituée à l'initiative de la présidente de Sarnez, Michel Fanget et moi avions auditionné l'ambassadeur du Pakistan qui avait indiqué qu'une médiation de la France pourrait être envisagée pour réfléchir à la manière la plus pacifique de supprimer les bombes nucléaires de ces deux puissances.
La France, détentrice de l'arme nucléaire, membre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et qui préside depuis hier le Conseil de sécurité des Nations unies, devrait continuer à pousser pour que la coopération internationale soit de la meilleure qualité possible afin d'en finir avec les armes atomiques qui attisent la haine et qui, du fait de leurs coûts exorbitants, empêchent certains programmes sociaux de lutte contre la grande pauvreté d'exister. L'Inde aurait ainsi les moyens de donner un emploi à ses habitants et de répondre à leurs besoins sociaux.