Intervention de Christophe Castaner

Séance en hémicycle du vendredi 5 juin 2020 à 9h00
Annulation du second tour des municipales et report des élections consulaires — Présentation

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

L'épidémie de covid-19 a bouleversé nos vies et celles de concitoyens. Elle a bousculé nos usages et nos priorités. Elle a bousculé aussi notre vie démocratique, en particulier notre vie démocratique locale.

Les communes, chacun ici le sait, c'est la proximité, c'est le quotidien, c'est l'école, c'est le projet au coin de la rue ou celui qui transformera la ville en profondeur. C'est également l'économie, le bâtiment, la culture, le sport, la proximité. La commune, c'est enfin le premier interlocuteur des citoyens mais aussi de l'État. Les semaines qui viennent de s'écouler et le déconfinement progressif le montrent : le binôme préfet-maire, ce binôme État-commune, a été et reste une des clés de la réussite de notre stratégie, une force pour l'application des décisions que nous avons prises.

Le 15 mars dernier, 30 143 communes ont élu un conseil municipal. Dans ces villes, les nouveaux élus ont pu prendre leurs fonctions, élire le maire et installer l'exécutif. Je salue ces nouveaux élus, qui ne pensaient certainement pas que le début de leur mandat se ferait dans de telles conditions. Je salue aussi les élus de 2014, dont le mandat a été prolongé de deux mois et qui ont fait face avec courage et détermination à la crise sanitaire, alors même, dans certains cas, qu'ils n'avaient pas souhaité se représenter et en dépit parfois de situations politiques difficiles. Ils ont pourtant fait face avec la volonté, qui fait honneur à ces élus, quelle que soit leur étiquette ou leur absence d'étiquette, de servir le mieux possible.

Cependant 16,5 millions de Français dans 4 855 communes, secteurs ou arrondissements attendent encore l'élection d'un maire et d'un conseil municipal complet. Dans ces communes, l'organisation d'un second tour de scrutin est nécessaire puisque dans notre République, les collectivités, au premier rang desquelles les communes, s'administrent librement à travers des conseils élus.

Face à la pandémie, nous devions fixer un cadre clair. Vous l'avez fait par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, en prévoyant deux cas de figure : soit il était possible de voter en juin et, dans ce cas, un second tour pouvait être organisé ; soit la situation sanitaire ne permettait pas la tenue d'une campagne et d'une élection en juin, et l'intégralité des opérations de vote, premier et second tours, était à recommencer dans les communes concernées.

Pour éclairer le Gouvernement dans ce choix, la loi a prévu la consultation du comité de scientifiques – couramment appelé conseil scientifique. Celui-ci a rendu son avis le 18 mai. Sur son fondement, et après consultation des associations d'élus comme des formations politiques, le Premier ministre a annoncé que le second tour de scrutin se déroulerait le 28 juin. J'ai présenté la semaine dernière en conseil des ministres deux décrets pour convoquer les électeurs concernés à ce second tour de scrutin. C'est une décision que nous devions prendre avec prudence et responsabilité. Nous accompagnerons donc cette décision d'un certain nombre de prescriptions visant à assurer le respect des gestes barrières pendant la campagne comme pendant les opérations de vote.

Nous l'avons aussi assortie d'une garantie forte : celle de la réversibilité, principe qui a présidé à toutes les décisions prises depuis le début de la crise : à chaque fois la possibilité est restée ouverte de les faire évoluer en fonction de la situation sanitaire et sur le fondement des données scientifiques disponibles. Si, dans les prochains jours, le conseil scientifique estimait que les conditions sanitaires n'étaient plus réunies pour permettre la campagne et le vote, nous pourrions reporter ce second tour. Le conseil scientifique rendra un premier avis le 8 juin. Le Gouvernement a souhaité un second avis qui, lui, sera donné le 14 juin. Ces deux avis seront évidemment communiqués au président de l'Assemblée et à celui du Sénat.

Cette option du report, nous devons nous y préparer, et c'est le sens même de ce projet de loi, mais j'insiste sur le fait que ce n'est qu'une option, la volonté du Gouvernement étant bien d'organiser le second tour le 28 juin et les électeurs étant bien convoqués pour cette date. C'est seulement dans l'hypothèse, qui n'est pas celle que nous envisageons au moment où je vous parle, où la situation épidémique s'aggraverait, que nous pourrions suspendre le processus électoral.

Le premier objectif de ce texte est donc de permettre l'annulation du second tour du 28 juin, l'annulation des résultats du premier tour dans les communes concernées et le report de la tenue d'un premier et d'un second tour au plus tard au mois de janvier 2021. Je précise que dans les communes de moins de 1 000 habitants, où certains conseillers municipaux ont déjà été élus, les deux tours de scrutin ne porteraient que sur les sièges vacants. Bien sûr, si le conseil scientifique confirme que l'élection peut se tenir à la date prévue, ces dispositions ne seront pas utiles. Mais les prévoir nous évite, dans l'hypothèse où la situation sanitaire se dégraderait, de devoir en urgence réunir à nouveau le Parlement.

Par ailleurs, pour le cas où, de manière localisée, la situation sanitaire serait telle que dans une ou plusieurs communes, en nombre limité, l'élection ne pourrait se tenir, je proposerai un amendement du Gouvernement permettant de ne pas tenir le second tour de l'élection dans ces communes, sans pour autant annuler l'élection dans le reste du territoire national. Nous avons évoqué en commission des lois la possibilité de conforter, par cette sécurité complémentaire, une jurisprudence qui a déjà prévalu dans le passé. Il s'agit, j'y insiste, de sécuriser ainsi l'ensemble des scrutins communaux du 28 juin.

Le second objectif du présent texte est de permettre à la vie locale de se poursuivre dans les 4 855 communes concernées, dont le fonctionnement ne peut pas dépendre de la tenue de l'élection. Ainsi, dans l'hypothèse d'un report du scrutin, ce texte prévoit de proroger le mandat des élus actuellement en place, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants où une partie du conseil municipal a été désignée.

En outre, nous ne pouvions pas envisager une reprise de la vie locale sans assurer le bon fonctionnement des intercommunalités. Le projet de loi prévoit donc la réunion des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dont les assemblées délibérantes seront mixtes, composées à la fois de nouveaux élus et d'élus dont le mandat est prolongé. Ces EPCI devront se doter d'un exécutif provisoire jusqu'à la tenue des nouvelles élections.

Le troisième objectif que nous poursuivons, indépendamment d'un report éventuel du second tour, est de mettre un terme définitif au cycle électoral en cours en prévoyant le remboursement des frais de campagne engagés par les listes pour les scrutins des 15 et 22 mars et du 28 juin. J'ajoute que si le scrutin du 28 juin était annulé, nous devrions reporter les élections sénatoriales prévues en septembre. Là encore, nous nous sommes préparés à cette éventualité et j'ai présenté la semaine dernière en conseil des ministres un projet de loi organique pour y faire face.

Si tout se passe bien, 16,5 millions de Français pourront se rendre aux urnes le 28 juin. De même que ce projet de loi a pour objectif d'anticiper, nous nous préparons nous aussi à ce mois de campagne et ces opérations de vote dans un contexte particulier et dans le respect des recommandations du conseil scientifique. Nous sommes actuellement en train de préparer par voie de décrets et de circulaires des dispositions visant à faciliter l'hébergement dématérialisé des professions de foi, à rendre possible l'apposition d'une deuxième affiche électorale ou à assurer la prise en charge des frais d'impression par l'État.

En ce qui concerne le vote à proprement parler, nous nous préparons également à faciliter le recueil des procurations, à demander une organisation spécifique et adaptée des bureaux de vote et à prendre en charge le coût de la totalité des équipements qui seront requis pour protéger les électeurs, les membres des bureaux de vote et les scrutateurs.

Des initiatives complémentaires ont pu être proposées, issues en particulier du travail de la commission des lois. Le Gouvernement n'est pas fermé à leur examen et la présente discussion nous permettra de conclure les échanges engagés en commission.

Le projet de loi comporte deux volets : s'il permet de nous préparer à tous les scénarios concernant les élections municipales, il organise aussi le report des élections consulaires. Celles-ci auraient dû se tenir les 16 et 17 mai ; la loi du 23 mars a reporté les élections au mois de juin et prorogé le mandat des élus consulaires actuels. Là encore, comme pour les élections municipales, nous nous sommes appuyés sur l'avis du conseil scientifique et son constat est sans appel : l'avancée de l'épidémie, partout dans le monde, et les décisions prises par les État pour y répondre ne permettent pas la tenue d'un scrutin.

C'est pourquoi le texte vise à reporter d'un an les élections consulaires et à en fixer la date au mois de mai 2021. Cela nous permettra de disposer d'un peu de recul sur l'évolution mondiale de la pandémie, sans pour autant décaler l'échéance des élections consulaires de 2026. C'est donc un report nécessaire et nous vous proposons un calendrier en conséquence.

Mesdames et messieurs les députés, nous retrouvons dans ce texte un peu de la raison même de notre engagement politique : anticiper, prévoir, adapter. En préparant l'éventuel – j'insiste sur ce terme – report des élections municipales dans 4 855 communes, nous agissons de façon responsable. En le complétant des dispositions que je vous proposerai tout à l'heure, en tenant compte aussi de vos propositions, nous nous donnerons les moyens de faire face à des reprises épidémiques localisées, sans pour autant devoir reporter l'ensemble du processus électoral. Nous montrons ainsi à nos concitoyens que nous nous préparons à faire face à tous les scenarii, à toutes les éventualités. Nous agissons en conscience car nous permettons à la vie locale de se poursuivre partout où un éventuel report des élections aurait pu conduire à la suspendre.

Responsabilité, conscience : c'est le sens même de ce projet de loi.

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