Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du vendredi 5 juin 2020 à 9h00
Annulation du second tour des municipales et report des élections consulaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Je tiens avant tout rendre à hommage aux élus locaux. Qu'ils aient été installés après le scrutin du 15 mars ou que leur mandat ait été prolongé, ils ont largement contribué à la lutte contre l'épidémie ; leur formidable engagement, le travail qu'ils ont accompli, les détails dans lesquels ils sont entrés, montrent bien à quel point nous avons besoin d'une démocratie décentralisée. Nous ferions bien de faire davantage confiance aux collectivités territoriales pour l'organisation opérationnelle et les choix politiques locaux.

Monsieur le ministre, c'est la deuxième fois que vous mettez en pratique une méthode législative de votre invention : la précipitation anticipée, c'est-à-dire l'organisation, de manière anticipée, de l'examen précipité d'un texte. Cela ne doit pas masquer la réalité. Le fait que nous discutions de ce projet de loi avant, forcément, la date qu'il prévoit pour le second tour, n'empêche pas l'accélération que je viens d'évoquer puisque des amendements longs de plusieurs pages ont été déposés la veille de leur examen en séance et qu'il est donc difficile de mesurer leur impact. Cette pratique n'effacera pas non plus le scandale démocratique qu'a été le maintien du premier tour alors que, la veille, le Premier ministre, s'exprimant à la télévision, appelait les Français à rester chez eux ! Dans quelle démocratie apaisée voit-on des choses pareilles ? J'ajouterai que l'application de ce texte semble de plus en plus hypothétique ; la précipitation dans laquelle il est examiné n'en est que plus contestable.

Le présent projet de loi procède de la dernière grande allocution du Premier ministre, au cours de laquelle celui-ci disait vouloir anticiper un éventuel report des élections municipales. La sortie de crise est mise en scène, mais le doute s'installe. On a confiné les Français chez eux deux mois durant, une mesure inédite, inégalée au regard de l'atteinte aux libertés publiques. Était-elle adéquate ? ce n'est pas le sujet. Mais en poursuivant sur cette lancée, ne cherche-t-on pas encore une fois à dissimuler les défaillances de l'État : manque d'équipements, de masques, de gel… ? Sous le couvert de la bataille sanitaire, c'est d'une bataille politique qu'il s'agit.

Monsieur le ministre, les bars, les restaurants ont rouvert ; progressivement, la vie reprend ses droits. Il est essentiel que la vie démocratique locale en fasse autant, que les collectivités relancent leurs projets ; pour assurer la reprise économique, nous aurons en effet besoin d'elles et de leurs formidables capacités en matière de commande publique. Nous aurons également besoin que reprenne la vie démocratique nationale, qui a été mise sous cloche, que reprenne le fonctionnement normal de l'Assemblée. Il faut refaire une place au débat politique, entre les partis, concernant la gestion et l'avenir de notre nation.

Le texte met en lumière plusieurs incertitudes. Non seulement nous aurons trois semaines de campagne avant le second tour, mais la première sera d'autant plus atypique que, légalement, elle se déroulera dans l'incertitude de la tenue du scrutin. Tout de même, une telle situation est inédite !

Vous avez déposé un amendement au sujet de l'annulation partielle du scrutin. Nous avons échangé à ce propos en commission où vous avez affirmé que la jurisprudence était constante sur ce point. J'ai de plus en plus de mal à comprendre que l'on veuille absolument légiférer pour figer des jurisprudences : c'est en quelque sorte démonétiser le débat parlementaire, qui joue un rôle dans leur élaboration. Le juge devrait se reporter à nos débats. Nous ne devrions pas avoir besoin de légiférer sur des sujets qui font consensus parmi nous.

La question du mode provisoire de gestion des EPCI en cas d'annulation du premier tour soulève celle de leur statut : sont-ils des collectivités territoriales, des syndicats ? Les élections intermédiaires que vous proposez ajoutent à la confusion. Malgré tout ce flou, nous discernons un élément positif, introduit par la commission des lois : l'élargissement des procurations. In fine, c'est tout ce qui survivra de ce texte lors de la tenue des élections municipales. Le groupe Les Républicains votera donc en sa faveur.

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