La crise majeure que nous sommes en train de traverser nous montre que nous ne sommes malheureusement pas à l'abri de crises sanitaires de grande ampleur, qui nécessitent des pouvoirs publics une analyse, une réflexion, une anticipation et une préparation à l'échelle centrale, mais également locale, qui ont cruellement fait défaut.
La question du port du masque fait l'actualité depuis le début de la crise sanitaire : nous avons assisté à de multiples tergiversations et changements de doctrine du Gouvernement, qui ont créé une véritable défiance et considérablement accru le fossé avec la population.
Le Gouvernement a considéré, dans un premier temps, que le masque n'était pas utile et ne l'a pas recommandé. Parallèlement, les collectivités locales – régions, départements et communes – se sont mobilisées ; quant aux citoyens, ils se sont interrogés et ont rivalisé d'ingéniosité en confectionnant eux-mêmes des masques en tissu pour se protéger des gouttelettes.
Maintenant, le Gouvernement recommande très largement le port du masque, dont nous pouvons tous reconnaître l'efficacité et l'action barrière contre la propagation du virus : cela est indéniable et incontestable. Nous pouvons nous demander si la doctrine du Gouvernement et son évolution n'ont pas davantage été commandées par l'état des stocks que par les besoins.
Nous débattons de la gestion des masques depuis 2017, mais il faut, me semble-t-il, remonter plus avant. En 2012, les stocks nationaux de masques et de divers traitements pharmaceutiques sont importants, en raison des risques représentés par la grippe H1N1. Peu de temps après a lieu un changement radical de doctrine. En effet, un décret publié en 2013 encourage chaque employeur et chaque établissement hospitalier à constituer son propre stock de masques : c'est l'abandon de fait de la gestion des stocks par l'État à travers l'EPRUS, créé en 2007 et dissous en 2016, lorsque ses attributions sont fusionnées avec celles d'autres organismes au sein de l'Agence nationale de santé publique.
Le constat est sans appel : le stock de masques diminue de façon draconienne. Le savions-nous ? Tout à fait. L'Agence nationale de santé publique a estimé, dans un rapport publié au mois de mai 2019, que, en cas de pandémie grippale, les besoins s'élèveraient à 1 milliard de masques. Par ailleurs, en 2016, Jérôme Salomon a publié une note dans laquelle il estime que la France n'est pas prête à affronter une épidémie, et qu'elle doit adapter ses diverses organisations aux spécificités des crises majeures à venir et des nombreux défis anticipés. Il faut bien constater qu'il n'a pas été entendu.
Petit à petit, d'année en année, les stocks de masques s'amenuisent, en raison d'une politique mêlant destruction et non-renouvellement des stocks. Monsieur le ministre, au mois de janvier 2020, puis au mois de février 2020, vous avez confirmé, lors de séances de questions au Gouvernement, que le stock national ne comptait plus que 140 millions de masques. Autrement dit, en trois ans, le stock a été divisé par six.
Les professionnels de santé libéraux, ainsi que les personnels hospitaliers, ceux des EHPAD et ceux des foyers d'accueil médicalisés, ont payé le prix fort, de même que les gens travaillant dans le secteur de l'aide à domicile. Tous ont oeuvré quotidiennement, au péril de leur vie.
Nous devons reprendre une gestion centralisée des stocks de masques, qui représentent un enjeu stratégique. Le Gouvernement a caché la vérité sur l'état des stocks, ce qui a lourdement mis en danger notre système de santé.