Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Débat sur le rapport d'information de la commission des finances sur le printemps de l'évaluation consacré à l'évaluation des politiques publiques 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Si la pandémie plonge le pays dans une crise sanitaire, économique et sociale, c'est bien en raison des politiques néolibérales conduites au cours des trois dernières décennies et que vous n'avez cessé d'accélérer. Vous n'avez pas opté pour une transformation, mais pour une accentuation.

Avec la loi ELAN – portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – , vous avez précarisé les baux et poussé les bailleurs à vendre les logements sociaux. Les personnes mal logées ont souffert directement de votre politique lors du confinement.

Avec la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, dit CETA, vous avez poursuivi la découpe de notre tissu industriel et accru notre dépendance aux productions lointaines. C'est ce type de déménagement qui nous a valu les pénuries de masques, d'oxygène, de médicaments.

Avec la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, vous avez éloigné l'hôpital public de ses usagers, taillé dans le nombre de lits ; bref, vous avez réalisé des économies sur la santé et sur son personnel.

Je vous fais grâce des autres points, mais chacun sait dans quel état d'affaiblissement des services publics nous avons abordé la période. Or seul le service public peut répondre à des chocs brutaux et inattendus ; le privé, lui, attend de recevoir l'aide de l'État.

Pour en revenir à l'exercice 2019, je m'attacherai, à titre d'exemple, à décrire la situation de l'éducation et de la recherche.

Alors que le nombre d'élèves augmente, vous supprimez 3 816 équivalents temps plein – ETP – au sein de l'éducation nationale, comme l'a fait remarquer Mme Pires Beaune.

En maternelle, le nombre d'élèves par enseignant s'établit à vingt-trois, soit sept élèves de plus que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE. En élémentaire et au collège aussi, ce nombre est au-dessus de la norme moyenne. Les dédoublements abaissent à peine cette moyenne et ne couvrent que deux niveaux de classe.

Dans ces conditions, comment bien suivre des élèves à distance ? Comment respecter les consignes sanitaires si les classes sont déjà surchargées et si une école sur quatre n'a pas suffisamment de points d'eau ? Mais vous coupez encore. Et quand vous ne coupez pas, vous refusez de mettre les moyens.

Le nombre d'étudiants a augmenté de 2,1 % entre 2017 et 2018. Pourtant, les crédits du programme 150 n'augmentent que de 0,46 % cette année. Le budget par étudiant a diminué de 10 % en cinq ans.

Alors qu'il faudrait augmenter les crédits, vous décidez de réduire le nombre d'étudiants par la sélection. Dans le projet annuel de performances, vous parlez même de « candidats ». Mes chers collègues, les lycéens fraîchement diplômés du baccalauréat ne sont pas des candidats ; ils ne vous demandent pas une faveur ; ils ont droit à une formation supérieure et le pays a besoin de jeunes gens formés.

Parmi ceux auxquels vous accordez le privilège d'une formation, 20 % vivent dans la pauvreté. Pour eux, à peine une miette : 200 euros, soit moins d'une semaine de survie au seuil de pauvreté.

Et encore, c'est ne rien dire des jeunes doctorants, payés moins que le SMIC et au statut de vacataire, qui attendent leurs salaires des mois durant. Voilà comment vous récompensez l'excellence !

C'est oublier aussi des chercheurs titulaires dont les crédits s'amenuisent chaque année, quand on abreuve le CAC 40 de crédits impôt recherche, censément destinés à l'innovation. Je pense au cas de Bruno Canard, spécialiste des virus, et notamment des coronavirus, qui a perdu jusqu'au goût de son travail à force de rabotage.

Dites-nous encore que la crise, ce n'est pas de votre faute ! Il y a tant à dire, mais il faut que j'achève. Puisqu'il s'agit de vous évaluer, au nom de l'enseignement et de la recherche que vous malmenez à tous les degrés, je vous attribue la note de zéro sur vingt : aucun effort, aucun progrès.

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