Les résultats économiques de 2019 étaient bons ; ils confirmaient l'effet positif des crédits budgétaires dédiés au développement économique. La croissance avait progressé de 1,3 point ; le taux de chômage était tombé à 8,1 % ; la France avait attiré plus d'investissements étrangers qu'aucun de ses partenaires européens ; enfin, le nombre de défaillances d'entreprises avait diminué de 20 % par rapport à l'année précédente. Ces indicateurs traduisaient l'efficacité de la stratégie économique et budgétaire de notre gouvernement. Mais la violence de la crise sanitaire et économique nous rattrape. La situation économique s'est beaucoup dégradée. Dans ce contexte, la crise a en quelque sorte servi de vaste stress test pour nos administrations. En effet, elle a suscité un afflux considérable de demandes et nécessité une très grande réactivité pour répondre aux besoins des entreprises.
Mon collègue Xavier Roseren et moi-même avons donc commencé par évaluer les conséquences de la crise sur les administrations intéressées par le programme 134, « Développement des entreprises et régulations », en nous concentrant sur celles placées en première ligne : la DGE – direction générale des entreprises – , à plusieurs titres ; Bpifrance, pour la mise en oeuvre du prêt garanti par l'État, ou PGE ; enfin, la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, chef de file s'agissant des délais de paiement.
La DGE est la première administration concernée par l'application des mesures d'urgence. Elle a été très fortement sollicitée pendant la crise pour mobiliser de manière exceptionnelle des capacités de production matérielles, pour rédiger les ordonnances parues au cours de la période et pour aider les entreprises à prendre en main les dispositifs d'urgence. Pour ces raisons, nous pouvons saluer chaleureusement ses personnels au nom de la représentation nationale.
Nos différentes auditions nous ont permis de retracer la réforme structurelle conduite ces dernières années et qui a conduit la DGE à se recentrer sur des missions à très forte valeur ajoutée tout en réduisant significativement ses effectifs et en transformant notablement son organisation. La crise a mis en évidence son agilité et sa réactivité, et nous devrions montrer en exemple, dans le cadre de notre réflexion collective sur l'administration de demain, cette transformation qualitative qui a permis mobilité des effectifs, numérisation des procédures et adaptation croissante des compétences.
Nous nous interrogerons également sur les outils de l'urgence qu'il convient de pérenniser. À cet égard, les conditions de financement du PGE étaient assurément séduisantes, mais, comme rapporteurs du programme 134, nous souhaitons que l'on réfléchisse sans tarder à un PGE de sortie de crise, rémunérant mieux les banques et, surtout, prolongeant la durée d'amortissement pour les entreprises. En complément des instruments de dette, il nous semble utile de réduire rapidement le ratio d'endettement des entreprises en renforçant aussi l'intervention publique en capital. Ainsi, l'État pourrait prendre davantage de participations limitées dans le temps au capital de certaines entreprises.
L'intervention de Bpifrance a été essentielle. Je voudrais vous remercier, chers collègues, et saluer la rare unanimité qui nous a réunis, lors du vote du précédent budget, pour maintenir la ligne budgétaire de la banque publique d'investissement ; je remercie aussi le Gouvernement d'avoir écouté les préconisations du Parlement. Soyons clairs : les crédits aujourd'hui nécessaires à l'intervention de Bpifrance sont plus importants que les crédits disponibles. Nous serons donc très attentifs aux arbitrages qui nous seront proposés, car il faut permettre la pérennité de ces dispositifs.
Enfin, la relance implique, et vous le savez, une lutte ardente contre l'allongement des délais de paiement constaté pendant la crise – et ce n'est peut-être pas fini. Nous saluons la constitution du comité de crise qui se réunit sur ce sujet, mais nous lançons l'alerte : les moyens utilisés peuvent paraître inadaptés, et les sanctions encore trop peu dissuasives. Les contrôles de la DGCCRF ne sont effectués qu'après la clôture de l'exercice comptable concerné : autrement dit, les dérives constatées pendant la crise sanitaire ne feront l'objet d'enquêtes qu'à partir de 2021. Nous plaidons donc pour la pérennisation du comité de crise, mais aussi pour de nouvelles modalités d'intervention peut-être plus persuasives.
Au-delà des ajustements et des mesures contenus dans le troisième PLFR, que nous allons examiner ensemble, nous devons aussi penser un nouveau modèle économique pour demain : la crise a changé les règles du jeu économique mondial en faisant intervenir de nombreux acteurs qui n'étaient pas uniquement financiers. La reprise doit être l'occasion de mener une réflexion globale sur le soutien public aux entreprises. Pour cela, les administrations doivent s'approprier rapidement une lecture plus offensive de ces enjeux, essentielle pour une relance efficace.