Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Débattre de l'approbation des comptes de 2019 a, il faut bien le reconnaître, quelque chose de décalé dans le contexte de la crise sanitaire. Cela peut paraître anachronique, purement formel, mais c'est finalement éclairant sur le fait que notre pays a abordé cette crise dans une situation budgétaire de faiblesse par rapport à d'autres pays européens, ce qu'a d'ailleurs rappelé le président de la commission des finances. L'examen de ce projet de loi de règlement livre une photographie du budget de l'État avant la crise sanitaire, permettant ainsi de constater que l'absence de rétablissement des finances publiques en 2019 nous prive aujourd'hui de marges de manoeuvre qui auraient été pourtant essentielles pour soutenir l'activité des entreprises et les ménages.

La majorité essaye de distiller l'idée que l'exécution du budget a été saine, ce qui permettrait aujourd'hui de financer les plans de soutien à l'activité. Cela est inexact. La France est le mauvais élève de l'Europe : son déficit, de 92,7 milliards d'euros, est deux fois supérieur à la moyenne de la zone euro, en forte dégradation par rapport à 2018 – de 16,7 milliards – et la situation de sa dette est pire encore. En février dernier, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, avouait d'ailleurs que le point noir demeurait celui de la dette : elle s'établit désormais à 115 % du PIB. Depuis 2011, elle aura augmenté de plus de trente points. C'était pourtant l'un de vos nombreux engagements…

Le rythme de progression des dépenses de l'État s'est même accru, et la situation serait encore plus catastrophique si les taux d'intérêt de l'emprunt n'étaient pas aussi faibles. La diminution de l'inflation et les liquidités injectées par la Banque centrale ont une part importante dans cette baisse des coûts d'emprunt. En effet, le seul motif de satisfaction est finalement l'amélioration de la sincérité budgétaire, qui doit beaucoup à la providentielle économie de 1,8 milliard d'euros sur les intérêts de la dette.

Ainsi, la majorité souhaiterait faire le bilan de ce budget 2019 en le présentant comme un budget maîtrisé. Or, il s'agit au contraire d'un énième budget sous tension, qui ne respecte pas les prévisions retenues par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Aucun effort structurel de réduction du déficit n'a été mené et les déficits structurels restent notablement supérieurs aux prévisions. En 2017, le candidat Macron promettait de ramener le poids de la dépense publique dans la moyenne de la zone euro. En 2019, l'écart par rapport à la moyenne européenne était de 8,2 points : vous nous avez vendu une discipline, une compétence et une maîtrise des finances publiques qui n'existent pas. Désormais, les marges de manoeuvre sont réduites à la plus stricte dimension.

Les prélèvements obligatoires restent parmi les plus élevés de l'OCDE, avec une pression fiscale s'élevant à 45 % du PIB. Il n'est évidemment pas envisageable d'augmenter une fiscalité si lourde. Si l'on suit votre logique, comment envisager de résorber le déficit public par la seule maîtrise des dépenses, si ce n'est par un nouvel accroissement de la dette publique ? En fait, la dette publique permet d'habiller bien des renoncements. Avec vous, dans le monde de demain comme dans celui d'hier, elle permettra de justifier des coups de rabot, bien souvent aveugles, au détriment de dépenses publiques essentielles : les hôpitaux, l'armée, la justice, la police. Certains ont même, en leur temps, tenté de faire porter sur les seuls gilets jaunes la responsabilité du creusement du déficit public. Quelle indignité !

Alors, où va cet argent ? Où va l'argent des Français, prélevé sur leurs efforts ? Dans de mauvaises dépenses publiques, qui continueront, quant à elles, de progresser sans aucune maîtrise : l'immigration et ses coûts exorbitants, l'aide médicale de l'État, la fraude fiscale, la fraude sociale, les agences régionales de santé… Certains souhaiteraient présenter le budget 2019 comme un budget maîtrisé, ayant permis de développer des marges de manoeuvre pour développer des plans de soutien aux entreprises et aux ménages. Pourtant, les faits sont têtus : en 2019, malgré un budget d'austérité marqué par des plans d'économies comme ceux ayant entraîné la casse de l'hôpital public, le déficit public s'est encore creusé. La dette n'est toujours pas maîtrisée.

Les conséquences prévisibles seront malheureusement lourdes. Malgré ces milliards qui viennent du futur, la France a abordé la présente crise historique dans des conditions budgétaires particulièrement dégradées, ce qui constitue et constituera un désavantage comparatif important par rapport à nos voisins européens.

« Faites-moi une bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances », expliquait un ministre des finances publiques français au XIXe siècle.

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