Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Allégement temporaire des cotisations sociales à la charge des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Par la proposition de loi que vous présentez ce matin, monsieur le rapporteur, vous souhaitez transformer le dispositif d'activité partielle en allégement de cotisations pour tous les salaires inférieurs à 4,5 fois le SMIC et pour une durée de six mois, soit une facture de quelque 20 milliards d'euros. En réalité, nous savons, pour vous avoir souvent écouté, que vous souhaitez baisser les cotisations sociales et vous voyez aujourd'hui une nouvelle occasion de proposer une telle mesure, comme vous le faites fréquemment lors de nos débats. Toutefois, vous ne précisez pas comment le manque à recevoir dans les caisses de la sécurité sociale sera compensé. Je peux admettre que ce ne soit pas une priorité dans le contexte actuel, mais cette précision aurait été intéressante.

Gardons-nous de mélanger les deux questions que sont le coût du travail et la reprise d'activité. Le mécanisme d'activité partielle est intelligent, puisqu'il permet de maintenir les salariés dans l'emploi, et par conséquent de préserver les compétences dans les entreprises. Il est pertinent socialement et économiquement. Pour autant, la fin de ce dispositif doit être organisée. Vous proposez de le faire en sifflet, sur six mois, avec des baisses de cotisations.

Pour notre part, nous jugeons qu'il serait préférable de maintenir une activité partielle ciblée sur les activités qui ne peuvent pas redémarrer. Cela suppose d'adopter une vision chirurgicale, en tirant profit des données produites notamment par la DARES, plutôt que d'agir par grand secteur. Nous devons ainsi engager une deuxième phase, plus complexe parce que plus ciblée. Prenons la filière aéronautique, en faveur de laquelle le Gouvernement a annoncé un plan de soutien mardi dernier. Parmi les propositions que contient ce plan, une seule n'est ni chiffrée, ni évaluée ni soumise à condition : l'activité partielle.

Le site internet de la DARES indique que trois secteurs concentrent la moitié des demandes d'autorisation préalable d'activité partielle : la construction, le commerce et les activités de service spécialisé scientifique et de service administratif de soutien. La construction connaît une reprise. La situation du commerce de détail, notamment de la restauration, soulève une vraie question, dont j'espère que le Gouvernement s'est emparé. Enfin, nombre d'activités de service découlent de commandes passées par d'autres secteurs ; je ne peux donc qu'inviter le Gouvernement à nous en donner une analyse précise, secteur par secteur, en tenant compte des effets secondaires : les entreprises dont le secteur ne redémarre pas ne solliciteront bien évidemment pas des prestations de conseil. Ces réactions en chaîne doivent être analysées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Deuxième axe, nous préconisons de former plutôt que de licencier. À titre d'illustration, le plan lancé par la région Occitanie permet de proposer des formations à chaque salarié en activité partielle ; ce temps est donc mis à profit pour acquérir de nouvelles compétences.

Le troisième axe de nos propositions, que nos collègues n'approuveront probablement pas, concerne les emplois aidés. Depuis le début de la législature, vous brandissez un totem : leur suppression. Plus de 400 000 emplois aidés ont pourtant été créés lors des deux dernières législatures, preuve qu'il n'est pas question ici de défendre une idéologie, mais de favoriser l'entrée dans l'emploi d'une partie de la population. Vos projets de loi de finance limitent à 100 000 les créations d'emplois aidés. Or, comme l'indique la DARES, les entrées en emplois aidés restent à un niveau faible. En d'autres termes, vous n'atteignez même pas l'objectif très bas que vous avez fixé. Il faut donner un coup d'accélérateur, madame la ministre ! Le nombre de parcours emploi compétence, ou PEC, nouvelle mouture des emplois aidés, est inférieur de 64 % à celui de 2019. Dans ce domaine, vous avez la main, et la facture ne s'élèvera pas à 20 milliards d'euros : elle sera vingt fois moindre.

Enfin, nous avons besoin d'un tableau de bord précisant le coût global des dispositions. Nous devons avoir une vision des coûts du chômage, de l'activité partielle et du soutien à l'emploi, afin d'en effectuer un pilotage consolidé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.