Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Allégement temporaire des cotisations sociales à la charge des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Notre pays affronte probablement la plus grande crise économique de son histoire, pour reprendre les termes de la Banque mondiale. La crise sanitaire a entraîné l'arrêt brutal de notre économie. Les premières réponses apportées par le Gouvernement au secteur privé, notamment le dispositif de chômage partiel, étaient nécessaires pour préserver les emplois dans ce contexte inédit.

Il nous faut désormais penser à la suite, à la manière d'accompagner au mieux nos concitoyens face à une autre crise, économique cette fois, dont nous percevons les premiers effets. Le chômage explose : on comptait 22 % de demandeurs d'emploi supplémentaires au mois d'avril. Les jeunes, les travailleurs aux contrats précaires, sont les premiers à subir le choc, avant le déploiement probable de nombreux plans sociaux. Les salariés qui vont perdre leur emploi ne doivent pas être laissés au bord du chemin ; il faut en priorité leur assurer un revenu de remplacement et pour cela, avant toute autre mesure, supprimer la réforme de l'assurance chômage de 2019, qui empêche des travailleurs d'être indemnisés, alors que nous connaissons une pénurie d'emplois. Toutes les organisations syndicales le demandent.

Dans le même temps, il est primordial de conserver notre appareil de production et de sauver les emplois actuels. Afin de relever ce défi, des solutions à moyen et à long terme doivent être trouvées, sous l'impulsion de la puissance publique. En effet, la crise que nous connaissons durera vraisemblablement des années, au moins jusqu'en 2022, comme l'a reconnu cette semaine le gouverneur de la Banque de France.

La proposition de loi émanant du groupe Les Républicains que nous examinons aujourd'hui tente d'aller dans ce sens. Elle vise à alléger durant six mois les cotisations sociales à la charge des entreprises, afin de relayer progressivement le dispositif d'activité partielle que le Gouvernement a mis en place pendant la crise sanitaire, mais dont il a réduit la portée en juin, en diminuant la prise en charge des salaires par l'État.

Certes, dans ce contexte de crise économique, des mesures de soutien doivent être rapidement prises en faveur des salariés, mais nous n'approuvons pas la solution préconisée dans ce texte. L'accompagnement des entreprises et de la création d'emplois ne peut se réduire à une nouvelle exonération de cotisations patronales, qui prolongerait la politique de l'offre adoptée par le Gouvernement. La baisse du prétendu coût du travail n'a jamais constitué une réponse pertinente pour soutenir l'emploi. Tant que les carnets de commandes des entreprises seront vides, une telle mesure risque même d'entraîner des effets d'aubaine, à rebours de son ambition : soutenir la reprise de l'activité économique.

Nous pensons au contraire que seules des politiques de relance impulsées par la puissance publique permettront de sortir de cette crise et d'éviter des plans sociaux massifs dans les prochains mois. Cette politique de soutien de la demande ne saurait toutefois se dispenser d'une réflexion essentielle sur les secteurs à accompagner en priorité : la santé, le transport, l'agriculture ou encore les industries qui s'engagent dans la conversion écologique. Une telle stratégie pourrait aller de pair avec une réduction du temps de travail, seule mesure récente à avoir prouvé son efficacité en matière de création ou de sauvegarde d'emplois dans notre pays.

Surtout, nous sommes opposés à une nouvelle mesure d'exonération, même temporaire, qui fragiliserait un peu plus le financement de la sécurité sociale au moment même où les besoins sanitaires et sociaux vont croissant. Chacun sait sur ces bancs que la crise sanitaire a mis à rude épreuve les comptes sociaux, dont le déficit s'élèvera à 52 milliards d'euros en 2020, contre 5 milliards initialement prévus. Avant même la survenue de l'épidémie, le financement de la sécurité sociale souffrait d'un assèchement des recettes organisé par le Gouvernement au fil des lois de finances. Les allégements sociaux dont bénéficient les entreprises représentent déjà 70 milliards d'euros par an, dont 22 milliards pour le seul CICE, transformé en allégement de cotisations. Ce sont autant de trous creusés dans les recettes. Avant de créer de nouvelles mesures, il conviendrait d'assortir celles qui existent de conditions en matière d'emploi ou d'engagement écologique.

En résumé, dans le contexte actuel, une nouvelle mesure d'exonération sociale nous semble devoir être à la fois inefficace d'un point de vue économique et dangereuse pour le financement de la protection sociale. Pour ces deux raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre cette proposition de loi.

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