Certains ne l'ont pas encore fait, mais pourquoi aider un secteur qui repart ? Ce serait encourager l'effet d'aubaine. Il vaut mieux cibler le dispositif sur ceux qui en ont besoin.
L'activité ne se décrète pas. Les secteurs le plus en difficulté, qui ne reprendront pleinement leur activité que l'année prochaine, seraient doublement pénalisés par une mesure qui leur demanderait de faire revenir tous les salariés sous cinq jours, car ce retour serait suivi d'un plan de licenciement. Or notre but est d'éviter au maximum les plans sociaux en maintenant l'activité partielle de longue durée. Nous sommes en train d'en discuter avec les partenaires sociaux et un accord devra être trouvé pour le 1er juillet ; cela devrait vous rassurer, monsieur le rapporteur, vous qui vous préoccupiez de l'urgence de la situation.
Un autre point, moins évoqué dans le débat, pose problème à mes yeux : vous niez ce que nous avons fait en matière d'exonérations de charges patronales alors que celles-ci sont aujourd'hui quasi-inexistantes au niveau du SMIC. Les salariés les moins rémunérés, dont l'emploi est le plus menacé, ne seront pas aidés par votre démarche, car les exonérations existent déjà, et il n'est pas possible d'en ajouter d'autres.
Je voudrais également revenir sur un point soulevé par Jean-Pierre Vigier, à savoir l'annulation des charges. Parce que nous croyons aux exonérations ciblées, nous avons donc décidé, non un report de charges, mais une exonération, pour une durée de quatre mois, dans les secteurs du tourisme, de la culture, du sport, de l'événementiel, de l'hôtellerie, du commerce et de la restauration, ainsi que pour les secteurs et entreprises qui en dépendent. Par exemple, certains brasseurs, qui travaillent à 100 % pour les bars et les cafés – lesquels ont été fermés – , auront eux aussi droit à une exonération de charges. Il me paraît important de recourir à ce type d'outil ciblé, plus efficace.
Valérie Rabault et Jennifer de Temmerman nous ont reproché de n'avoir pas donné les chiffres de l'activité partielle dans le secteur aéronautique. C'est vrai, mais nous avons cité ceux de l'activité partielle globale. Vous verrez, dans le troisième projet de loi de finances rectificative, que nous avons prévu d'aller, si nécessaire, jusqu'à 31 milliards d'euros pour financer l'activité partielle.
Je tiens à apporter une autre précision concernant un chiffre repris par certains orateurs : les 9 ou 10, voire les 12 millions de demandes dont j'ai parlé ces dernières semaines correspondent au nombre total de demandes formulées par les entreprises, pas au nombre de personnes en activité partielle à l'instant t. Il s'agit du cumul des demandes sur trois mois, et beaucoup de salariés n'ont pas été en activité partielle pendant trois mois entiers. Fin avril, l'emploi de 8,6 millions de salariés était maintenu grâce à l'activité partielle. Nous attendons les chiffres de mai, lesquels seront forcément inférieurs, car la reprise de l'activité a commencé.
Un autre sujet important évoqué par Catherine Fabre et Yannick Favennec Becot est le caractère unilatéral de la décision. Je ne crois pas qu'un seul acteur puisse décider de la sortie de crise. Pour en sortir, il faut un esprit de cohésion et d'engagement. On constate d'ailleurs que les entreprises qui ont connu la meilleure reprise sont celles qui, en utilisant les guides sanitaires de protection de travailleurs élaborés avec les partenaires sociaux, ont organisé un ou deux jours de dialogue social pour décider de la manière de procéder. Je me suis rendue il y a quelques jours sur le site de Toyota à Valenciennes, qui a fait exactement cela, et l'activité a complètement repris grâce au dialogue social.
Ce qui a été vrai ces derniers mois doit le rester dans les semaines à venir. C'est le cas de la concertation. Beaucoup des mesures prises ces trois derniers mois, que vous avez saluées, sont le fruit de discussions. J'ai tenu vingt réunions téléphoniques avec les partenaires sociaux pendant la période. Il faut poursuivre cette démarche qui nous permettra de sortir de la crise par le haut.
Le travail est une valeur fondatrice et nous le plaçons au coeur de notre projet. Nul ne peut prétendre que les entreprises ou les salariés ne veuillent pas reprendre le travail ; mais il faut créer les conditions de la reprise et protéger les entreprises comme les salariés, qui auront besoin de plus de temps parce que leur activité est plus durablement endommagée. Cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas de perspectives. Il n'y a pas de fatalité. Mais nous devons nous y mettre tous ensemble.