Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Dispositif zéro charge pour l'embauche de jeunes de moins de 25 ans — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

La crise économique et sociale que nous nous apprêtons à traverser trouve peu de comparaisons dans l'histoire moderne de notre pays. Les chiffres que nous commençons à recueillir doivent nous alerter sur son impact profond et durable s'agissant de l'emploi et du risque de pauvreté et de précarité auquel va devoir faire face notre population.

La crise engendrée par le covid-19 n'est pas comparable à la crise de 2010. Parce qu'elle est d'abord sanitaire, elle a nécessité des mesures qui ont pesé lourdement sur les comptes sociaux, déjà fragilisés, et dont les conséquences économiques ont été aggravées par le confinement. Le déficit de la sécurité sociale s'élève désormais à 52 milliards d'euros, bien loin des 5 milliards initialement prévus ; il était de 28 milliards en 2010. L'ampleur n'est donc pas la même et la crise sociale qui accompagne la crise économique s'annonce dangereuse. C'est la raison pour laquelle de simples mesures de relance économique ne suffiront pas et les solutions de 2010 ne seront d'aucun secours, quand bien mêmes elles ont démontré leur efficacité.

Aujourd'hui, la question de l'emploi est primordiale. Si le dispositif d'activité partielle a permis de le sauvegarder autant que possible, tous les emplois n'ont pu être sauvés, et les embauches ont été pour la plupart gelées. Les conséquences en sont particulièrement marquées dans le secteur du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration, d'autant que les contrats y sont souvent courts. Les saisonniers y sont très durement et durablement touchés.

Par ailleurs, la crise est intervenue en pleine réforme de l'assurance chômage : les critères d'accès à celle-ci sont restreints depuis novembre 2019 et les règles d'indemnisation seront durcies à compter de septembre 2020. J'espère donc, madame la ministre, que vous travaillez comme vous nous l'avez annoncé à une solution au problème du chômage des saisonniers pour l'automne 2020, puisque ces travailleurs n'auront pu faire une saison complète.

La crainte d'une explosion du chômage est donc fondée, les chiffres publiés par Pôle Emploi l'ont confirmé : en avril, on recense 840 000 demandeurs d'emploi de plus que le mois précédent, soit une hausse de 22,6 %, record absolu depuis 1996.

Les jeunes de moins de 25 ans sont les plus touchés par ce phénomène. Pour eux, la crise est plus que jamais synonyme d'incertitude et, souvent, de précarité, les perspectives d'entrée sur le marché du travail s'éloignant. Or, depuis la suppression de l'ARPE – aide à la recherche du premier emploi – en janvier 2019, il n'existe plus aucune aide destinée aux jeunes à la recherche de leur premier emploi.

Aussi notre groupe a-t-il déjà plaidé pour que les réflexions sur l'assurance chômage aboutissent à des mesures d'accompagnement et de soutien en faveur des jeunes, notamment l'ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans.

Le texte que nous examinons propose l'exonération de cotisations patronales pour l'embauche de jeunes de moins de 25 ans. À cet égard, notre groupe est réservé, car les cotisations sont déjà fragilisées, alors que les comptes sociaux sont particulièrement dégradés par la crise. En outre, le dispositif présenté risque d'entraîner des effets d'aubaine, en particulier parce que l'exonération est censée s'appliquer à des salaires allant jusqu'à 4,5 SMIC.

Gardons à l'esprit que les cotisations sociales, que la proposition de loi qualifie de charges, sont en réalité des investissements dans notre système de protection sociale. Or, dans ce domaine, de nombreux défis sont devant nous, dont le financement de notre système de santé et le chantier de la dépendance.

De nouvelles exonérations nous semblent d'autant plus risquées que le Gouvernement a pris l'habitude de ne pas les compenser et de les intégrer à la dette sociale. Nous examinons d'ailleurs ces jours-ci un projet de loi transférant à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, la dette liée au covid.

Si le dispositif proposé ne nous paraît pas adapté, nous n'en devons pas moins être plus attentifs à la question de l'accès des jeunes à l'emploi. Le problème dépasse nos frontières : selon l'OIT, un jeune sur six dans le monde a perdu son travail. Le groupe Libertés et territoires en attend davantage du plan pour l'apprentissage présenté la semaine dernière par le Gouvernement, une première étape qui n'inclut toutefois pas les jeunes de l'enseignement supérieur, du niveau master ou ingénieur, lesquels peuvent eux aussi être concernés par l'apprentissage et, surtout, être touchés par la crise, en particulier ceux issus des familles moins favorisées.

Alors que 700 000 jeunes vont entrer sur le marché du travail en septembre, notre capacité à construire leur avenir est en jeu. Ne les désespérons pas !

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