La crise sanitaire a eu de multiples répercussions ; sur la santé de certains Français, tout d'abord, mais aussi sur l'organisation de nos vies, sur les rapports humains, et bien sûr sur l'économie. Les économistes s'accordent à prédire une des plus graves crises de l'histoire. Selon l'OCDE, la France devrait subir une récession très brutale en 2020 avec une chute du PIB comprise entre 11 % et 14 %. Cette contraction importante aura bien évidemment des répercussions sur l'emploi. L'Observatoire français des conjonctures économiques estime ainsi que plus de 1,8 million de salariés ont été directement concernés par les mesures de confinement et de fermeture administrative, dont 600 000 dans la restauration et 500 000 dans le commerce de détail. Il faut donc craindre un chômage massif. Déjà le nombre de chômeurs a augmenté de 7 % en mars, mois pourtant seulement en partie concerné par le confinement, et les chiffres continuent malheureusement d'augmenter. Pôle emploi indique qu'en avril, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a augmenté de plus de 22 %, soit 843 000 chômeurs supplémentaires par rapport à mars ; le nombre de demandeurs d'emploi est ainsi à son plus haut niveau depuis 1996, année où 4 575 000 chômeurs avaient été comptabilisés. La hausse la plus forte touche les moins de 25 ans : plus 149 800, soit une hausse de 29 %.
Si toutes les tranches d'âge sont et seront touchées, ce sont donc bien les plus jeunes qui présentent la plus grande vulnérabilité, et leur arrivée sur le marché du travail se fera dans des conditions difficiles et inédites faisant craindre pour eux un éloignement du marché de l'emploi important et durable. Je souligne que près de 700 000 jeunes actuellement en formation devraient entrer en septembre sur un marché du travail déjà fortement perturbé. Une génération entière pourrait se retrouver sans emploi ! Nous ne pouvons rester inactifs devant un tel péril : c'est un risque économique pour notre pays qui devra prendre en charge ces jeunes, mais surtout et avant tout un risque humain : on ne peut laisser cette génération subir la crise de plein fouet sans réagir.
La proposition de loi propose de favoriser l'embauche des jeunes en allégeant le poids financier pour les entreprises qui les accueilleraient. De telles motivations sont louables et le groupe Agir ensemble les partage. Afin de supprimer une partie des freins à l'embauche, elle vise à alléger le coût du travail pour l'entreprise qui recrute une personne de moins de 25 ans. Le principe a déjà été utilisé par le passé, avec plus ou moins de succès.
La réponse apportée est cependant partielle et nous souhaitons amender le texte de la proposition de loi. Tout d'abord, la question se pose de savoir si le dispositif proposé doit concerner toutes les entreprises. Ensuite, le seuil envisagé – 4,5 SMIC – ne nous semble vraiment pas raisonnable. Nous proposons de l'abaisser pour éviter des effets d'aubaine coûteux et peu efficaces. Enfin, le bénéfice de l'exonération pourrait être conditionné à l'embauche en CDI afin de rendre l'emploi plus durable et de favoriser ce type de contrat, malheureusement trop rarement proposé aux jeunes, ce qui les empêche de faire des projets.
En matière d'allégement de charges, il convient d'être prudents si nous voulons être efficaces, d'autant que de nombreuses mesures ont déjà été prises pour alléger le coût du travail, notamment sur les plus bas salaires : CICE, pacte de responsabilité, puis transformation du CICE en baisses de cotisations pérennes ont réduit considérablement les charges sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC. Certes, il faudra certainement actionner le levier fiscal, mais il faudra y ajouter des mesures de lutte contre le décrochage scolaire, des actions en faveur de la formation et de l'apprentissage, des dispositifs de protection des jeunes les plus vulnérables et probablement d'autres mesures à inventer collectivement.
Devant l'urgence, des mesures ont déjà été présentées, notamment pour sécuriser au maximum les stagiaires de la formation professionnelle, les apprentis et les organismes de formation. Ainsi, la prolongation des contrats d'apprentissage et de professionnalisation jusqu'à la fin du cycle de formation a été rendue possible pour tenir compte de la suspension de l'accueil des apprentis et des stagiaires par les centres de formation, de même que la durée pendant laquelle un jeune peut rester dans un centre de formation des apprentis en attente de la conclusion d'un contrat d'apprentissage a été portée de trois mois à six mois afin de permettre à l'intéressé de disposer de temps supplémentaire pour rechercher un employeur. De plus, un plan de relance de l'apprentissage de plus de 1 milliard a été présenté par le Président de la République le 4 juin dernier : gageons que les jeunes pourront trouver là une voie d'excellence pour se former, et les entreprises une occasion d'embaucher des jeunes dont la formation correspond à leurs attentes. Mais il conviendra d'imaginer un plan de relance de l'embauche des jeunes d'une plus vaste ampleur, et ne comportant pas seulement des mesures financières et fiscales.
C'est dans une concertation large que des solutions devront être trouvées pour que nos jeunes ne soient pas les sacrifiés de cette crise. Il nous faut adresser des signes à notre jeunesse pour qu'elle retrouve confiance. Les vieilles recettes, parfois éprouvées, peuvent certainement être utiles, mais elles doivent être adaptées au contexte inédit que nous vivons. Quand 26 % des jeunes de moins de 30 ans vivent sous le seuil de pauvreté, on voit bien que les incitations fiscales seules ne suffiront pas. Il faut miser sur la jeunesse pour favoriser son accès à l'autonomie, laquelle passe par le travail et donc par la formation. Le plan de relance de l'économie et de l'emploi devra donc bien mettre l'emploi des jeunes en priorité : il y va de notre responsabilité de politiques, mais plus largement de notre responsabilité d'adultes envers une jeunesse que nous devons soutenir.