Depuis de trop nombreuses années, les jeunes de notre pays sont soumis à des difficultés économiques et sociales majeures. Le chômage des 15-24 ans fluctue aux alentours de 20 %, sans être résorbé. Quatre-vingt-sept pour cent des embauches de jeunes se font en CDD. La situation est encore plus compliquée pour les jeunes peu ou pas diplômés : sept ans après leur entrée sur le marché de l'emploi, seuls 21 % d'entre eux sont titulaires d'un CDI. La crise sanitaire s'est transformée en crise économique, et nous voyons arriver 700 000 jeunes sur le marché du travail, avec beaucoup d'inquiétude quant à leurs perspectives d'insertion dans l'emploi.
La présente proposition de loi a le mérite de s'intéresser à la question spécifique des jeunes, mais elle n'offre pas une réponse satisfaisante aux yeux du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Tout d'abord, le mécanisme que vous proposez est trop large et présente un risque d'effets d'aubaine évident : il s'appliquerait à tous les salaires inférieurs à 4,5 SMIC, les CDD de six mois y seraient éligibles et les exonérations seraient en grande partie accordées sans conditions.
En outre, raboter un peu plus les recettes de la sécurité sociale dans le contexte que nous connaissons contreviendrait aux nécessités actuelles. Plus que jamais, alors qu'à la crise sanitaire s'ajoute une crise sociale et économique, nous avons besoin d'une protection, d'une sécurité sociale qui protège contre les accidents de la vie et qui finance les soins, les arrêts de travail et le chômage. Cela est encore plus vrai quand la compensation des exonérations dues aux organismes sociaux n'est plus garantie.
La baisse – ou la suppression – de cotisations est devenue l'une des principales politiques en matière d'emploi en France, faisant perdre chaque année des dizaines de milliards d'euros à l'État et aux organismes de protection sociale. Entre 2013 et 2019, plus de 26 milliards d'euros d'exonérations supplémentaires ont ainsi été accordés, sans conditions et sans résultats probants. Il ne s'agit pas pour moi, ni pour les députés communistes, de nier que les cotisations sociales et patronales peuvent constituer un frein à l'embauche pour des petites entreprises à la trésorerie fragile. Mais l'exonération sans conditions liées à la taille de l'entreprise, à sa santé économique, à la nature de l'emploi concerné ou aux conditions salariales n'est pas une bonne politique, au vu du faible rendement entre son coût pour l'État et le nombre d'emplois créés.
De plus, pendant la réunion de la commission des affaires sociales consacrée à l'étude de la présente proposition de loi, les termes de « charges sociales » et de « coût du travail » ont plusieurs fois été employés pour désigner les cotisations patronales ou salariales. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine conteste l'usage de ce vocabulaire, qui constitue une attaque contre notre système de protection sociale. Non, le fait qu'employeurs et salariés participent ensemble à la socialisation des risques encourus par chacune et chacun n'est pas une charge, c'est le principe même de la sécurité sociale dans notre pays.
La cotisation n'est pas un coût ; et si elle en était un, mettons-le en perspective avec celui que représentent les baisses de recettes en faveur des services publics : fermeture de milliers de lits, déremboursement de médicaments, fermetures d'hôpitaux de proximité, restriction toujours plus forte de l'objectif national d'assurance maladie. Ce coût-là, qui en parle ? Qui le mesure ? N'avons-nous pas compris, ces dernières semaines, à quelle catastrophe pouvait mener un système de santé fragilisé par des années de coupes budgétaires ? Je reconnais cependant une certaine cohérence d'ensemble : ceux qui voient la cotisation comme une simple charge ou un coût à éliminer sont souvent ceux qui répétaient à l'envi qu'il fallait fermer des milliers de lits d'hôpitaux, voire des établissements entiers, par souci d'économie.
Si cette crise nous enseigne quelque chose, c'est la fragilité de notre modèle économique : nous devons planifier dès à présent l'économie de demain et arrêter notre fuite en avant vers un libre-échangisme incontrôlé, construit à coup de traités de libre-échange aussi néfastes socialement qu'écologiquement. Nous voulons un État stratège pour faire de la transition écologique l'occasion de créer les emplois de demain. Valoriser l'apprentissage et garantir la formation continue aux salariés seront les clefs de la réussite de nos entreprises face à cet immense défi qui se présente à nous. C'est ce que proposera le groupe de la Gauche démocrate et républicaine la semaine prochaine dans cet hémicycle, à travers la proposition de loi visant l'instauration d'une garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de l'économie, présentée par mes collègues Gabriel Serville et Jean-Paul Lecoq. Nous défendrons également, avec Elsa Faucillon, une résolution invitant le Gouvernement à créer un revenu étudiant universel.
Chers collègues, même si nous partageons vos inquiétudes quant à l'emploi des jeunes, nous ne soutiendrons pas ce texte, car les exonérations de charges sans contreparties ne répondent pas aux enjeux de l'emploi ni du modèle économique de demain.