Je suis en colère ; je vais certainement sortir de la violente modération qui caractérise les Normands, selon l'expression de Tocqueville. Le texte que nous examinons est plus que jamais d'actualité. Dans l'Orne, comme dans de nombreux départements, nous avons souhaité, à l'unanimité des conseillers départementaux, soutenir notre tissu d'artisans, de commerçants et de TPE, qui ont un genou à terre, qui souffrent et qui s'inquiètent. Il s'agissait d'instaurer un dispositif complémentaire au fonds national de solidarité, conçu sur le même modèle, correspondant à un versement de 500 euros par bénéficiaire en mars et d'autant en avril. Or, ces aides viennent d'être bloquées par l'État : le payeur réquisitionné ne peut pas les verser car la préfète vient de déférer le conseil départemental au tribunal administratif.
Madame le ministre, vivons-nous dans le même pays ? Sommes-nous témoins des mêmes terribles situations dans nos territoires ? Voyons-nous se profiler les mêmes catastrophes économiques chez ces indépendants, qui depuis trois mois ne travaillent pas, ou trop peu ? Le Gouvernement empêche délibérément plus de 3 000 artisans et commerçants ornais de percevoir 1 000 euros, indispensables à leur survie. C'est intolérable, et même honteux, dans la situation économique actuelle, de priver ces acteurs de cette aide qu'ils attendent avec angoisse.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. On compare souvent notre époque à celle 1944 – notre collègue Pierre Cordier vient d'en donner l'exemple. Le général de Gaulle et nos prédécesseurs ont-ils alors été tatillons ? Ont-ils mégoté ? Ont-ils été technocrates ? Non, ils ont agi avec bon sens et dans l'intérêt général.