Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du lundi 15 juin 2020 à 16h00
Dette sociale et autonomie — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

La question n'est donc pas d'afficher un énième contenant supplémentaire mais de lui fournir du contenu, d'identifier et de flécher durablement des moyens importants, pérennes, tout en amplifiant le processus de décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social engagé lors de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Pour créer une cinquième branche qui réponde à cet objectif ambitieux, Dominique Libault nous a rappelé lors de son audition que la loi de financement de la sécurité sociale ne pouvait servir de véhicule : il faut recourir à une loi organique. Initialement, les projets de loi prévoyaient la remise d'un rapport du Gouvernement et une concertation en vue de la création d'un cinquième risque, d'une cinquième branche, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, en commission spéciale, le rappporteur, par voie d'amendement, a inscrit la création d'une cinquième branche dans le projet de loi ordinaire, et non dans le projet de loi organique. Soit vous avez mal entendu, soit vous manquez de l'ambition nécessaire à une prise en charge décloisonnée du risque de perte d'autonomie.

J'en viens à la reprise d'une partie de la dette des hôpitaux : 13 milliards d'euros, dont 10 milliards de principal et 3 milliards d'intérêts. Vous nous dites qu'il s'agit de la traduction concrète de l'engagement pris en la matière par le Premier ministre. Remarquons que cette traduction arrive bien tard : l'engagement en question a été pris il y a six mois, le 20 novembre dernier, dans le cadre d'un plan visant à répondre à la crise de l'hôpital public. Il est vrai que ce plan « d'urgence » survenait lui-même après plus d'un an de mobilisation des personnels, qui criaient leur détresse. Remarquons également que le transfert de cette dette à la CADES est assez éloigné de l'annonce du Premier ministre, dont le discours du 20 novembre 2019 promettait une loi adossée à la loi de programmation des finances publiques, ce qui sous-entendait une reprise de dette par l'État.

Surtout, le plus grand flou règne au sujet des critères d'éligibilité à ce dispositif de reprise de dette, au sujet de son périmètre, autrement dit des établissements de santé qui pourront y avoir accès. Les réponses apportées en commission spéciale par le Gouvernement et par le rapporteur n'ont fait qu'ajouter à des inquiétudes déjà profondes. L'engagement initial du Premier ministre avait en effet pour but de rendre des capacités d'investissement aux hôpitaux publics : « C'est un geste fort pour l'hôpital public », disait-il, « au service d'une idée simple : que les communautés hospitalières puissent se concentrer sur leur métier, le soin, au lieu de s'épuiser à rembourser des emprunts », visée à laquelle je souscris entièrement.

Or les destinataires de la mesure sont désormais tous les établissements de santé relevant du service public hospitalier. Le secrétaire d'État nous a expliqué en commission spéciale que cela signifiait l'élargissement du dispositif aux établissements de santé privés d'intérêt collectif, les ESPIC, dont le but n'est pas lucratif. Je peux l'entendre et le comprendre. Seulement, de son côté, le rapporteur du projet de loi ordinaire nous a indiqué textuellement que les établissements privés à but lucratif n'étaient pas exclus du dispositif, mais n'en représenteraient qu'une part infinitésimale, puisqu'ils n'ont par définition pas vocation à produire de la dette. L'argent du contribuable servira donc à rembourser les dettes d'établissements privés, qui ont pu verser par ailleurs des dividendes à leurs actionnaires !

L'intention de M. le rapporteur était probablement de nous rassurer ; en ce qui me concerne, j'avoue que ses propos ont plutôt produit l'effet contraire. Monsieur le secrétaire d'État, il faut dissiper ce flou concernant les établissements privés à but lucratif.

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