Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 15 juin 2020 à 16h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

… et pour financer un champ trop oublié : celui de la dépendance, de l'aide et du soutien à l'autonomie. Nous regrettons également que la reprise du tiers de la dette des hôpitaux ne soit pas supportée par le budget de l'État, comme cela avait été annoncé initialement.

L'idée d'un cinquième risque, celui de la dépendance, et de la création d'une cinquième branche pour le financer, alimente nos débats depuis de nombreuses années. Dès 1988, lors de la création de la CSG par Michel Rocard, la création d'un cinquième risque était déjà évoquée, afin que le financement de la dépendance soit assuré par la solidarité nationale. Depuis, le sujet a souvent été abordé, mais jamais traité dans sa complétude car, chaque fois, son coût était jugé trop important pour les finances publiques. Le rapport de Dominique Libault a permis de chiffrer concrètement les besoins à venir : le nombre de personnes âgées en situation de dépendance va connaître une hausse de 20 000 personnes par an, avec une accélération à partir de 2030. Il est donc impératif de revisiter notre système de protection sociale, construit en 1945, à l'aune de la dépendance, ce nouveau risque social, comme le sont la maladie ou la vieillesse.

Malheureusement, le projet de loi grand âge et autonomie, présenté comme l'une des priorités du quinquennat, n'a cessé d'être repoussé, tant et si bien que nous en sommes aujourd'hui réduits à aborder cette question majeure en marge d'un texte sur la dette sociale. Il est évident que l'insuffisance des moyens alloués au secteur médico-social a eu une incidence sur le drame qui s'est déroulé dans nos EHPAD. Aussi, si le contexte actuel nous oblige à légiférer, il nous faut le faire en abordant le sujet de façon globale, aussi bien en termes de financement que d'organisation et de gouvernance. C'est de ce débat que nous prive le texte que nous examinons, qui se réduit à une nouvelle présentation du PLFSS et à un début de financement en 2024.

Le groupe Libertés et territoires a plaidé à de nombreuses reprises pour la création d'une cinquième branche consacrée à l'aide et au soutien à l'autonomie. Aussi, soyons précis : la dépendance et la perte d'autonomie ne sont pas synonymes. La dépendance est l'impossibilité, partielle ou totale, d'effectuer sans aide les actes de la vie quotidienne, tandis que l'autonomie renvoie au droit et à la capacité de chaque individu à se déterminer et à agir librement. Ainsi, l'enjeu est bien d'accompagner une personne en situation de dépendance pour lui permettre de conserver son autonomie le plus longtemps possible.

Pour cela, il nous faut concevoir la dépendance comme un véritable risque social, qui concerne aussi bien les personnes en situation de handicap que les personnes âgées. Il faut donc sortir de la dichotomie qui prévaut depuis les années 1990, et qui a abouti à deux types d'allocations : la PCH et l'APA – allocation personnalisée d'autonomie. Malheureusement, le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique n'abordent que partiellement la question de ces prestations – les seules, pourtant, qui visent à soutenir l'autonomie.

Certes, les textes préfigurent la création d'une cinquième branche. Mais une simple inscription dans le code de la sécurité sociale ne suffira pas si nous ne déterminons ni le périmètre, ni le mode de financement de cette nouvelle branche. Par ailleurs, la notion de « prise en charge de la perte d'autonomie », inscrite à l'article 4, n'a pas de sens. Par conséquent, notre groupe a déposé des amendements pour en améliorer la rédaction, mais également pour préciser le périmètre de la branche consacrée à l'autonomie. Nous proposerons aussi d'accélérer l'instauration de cette mesure et d'en avancer le financement à 2021. Finalement, si certains d'entre vous ont parlé d'une avancée historique lors de nos débats en commission spéciale, cet enthousiasme est à relativiser : sans financement supplémentaire et sans politique globale de soutien à l'autonomie, qui concerne à la fois les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, la cinquième branche reste une coquille vide.

La réflexion sur la dépendance et l'autonomie ne se limite évidemment pas au financement : elle est avant tout éthique, car elle doit s'attacher à préserver la dignité de chacun, quels que soient son âge, son état physique et son état mental ; elle est aussi politique, car elle renvoie à la place que notre société réserve aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap, ainsi qu'aux obligations collectives que se donne la puissance publique pour qu'elles soient parties intégrantes de notre pacte républicain.

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