Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur du projet de loi organique, monsieur le rapporteur du projet de loi ordinaire, décidément, dans le monde d'après, la parité manque encore et toujours ! Ce n'est pourtant pas faute de vous avoir proposé, lors de l'élection du bureau de la commission spéciale, un peu de féminité : mesdames, même dans le monde d'après, vous n'avez toujours pas le droit d'avoir votre propre vote ! Dommage.
En commission spéciale, M. le ministre ne m'a pas répondu – mais il ne me répondait déjà pas lorsqu'il était rapporteur général : comme quoi, même dans le monde d'après et une fois devenu ministre, je n'ai toujours pas de réponse. Puisque c'est M. le secrétaire d'État qui est présent aujourd'hui, peut-être aurai-je plus de chance d'obtenir une réponse ! Monsieur le secrétaire d'État, j'ai gardé la même intervention : vous voyez, je facilite les choses.
À l'occasion de la crise de la covid-19, de nombreuses recettes de la sécurité sociale ont été diminuées du fait de la baisse d'activité et des reports de cotisations. Dans le même temps, des dépenses sociales se sont accrues. Notre sécurité sociale est fébrile et nécessite des mesures fortes, car les enjeux sont colossaux : c'est l'objet même de notre échange aujourd'hui.
Pour combler la dette sociale, vous pourriez mettre fin immédiatement aux exonérations de cotisations que vous avez votées lors des derniers PLFSS, et qui ne sont pas compensées par l'État. Vous pourriez aussi rétablir un impôt de solidarité sur la fortune – ISF – , ou encore annuler une partie de la dette sociale qui, comme je le démontrerai plus loin, est totalement illégitime. Vous pourriez mener une politique de l'emploi, par exemple en réduisant le temps de travail. Mais, en faisant la promotion des heures supplémentaires, désocialisées par votre majorité, en évitant soigneusement la question de l'ISF et en nous soumettant ce projet de loi, vous faites tout l'inverse.
Alors que proposez-vous ? Qui va payer ? À qui va profiter pour profiter la dette accumulée ? Tout d'abord, vous choisissez de poursuive tête baissée dans l'absurde : endetter la sécurité sociale à hauteur de 136 milliards d'euros, à travers la CADES. Chose inédite : vous vous endettez pour des dettes futures ! Vous entérinez ainsi votre renoncement à remettre sur pied notre protection sociale.
Historiquement, cette politique d'endettement a toujours justifié des coupes drastiques alors même que notre protection sociale, notamment notre assurance chômage et notre assurance maladie, a démontré son importance cruciale pour la société durant la crise de la covid.
Avec vos projets de loi, qui va payer ? Une fois de plus, ce seront les moins aisés. En effet, le remboursement de la dette sociale ne sera pas financé par des cotisations sociales mais par deux impôts très peu progressifs, la CRDS et la CSG. Vous faites donc peser la crise de la covid sur l'intégralité du corps social au lieu de mener une politique de redistribution des richesses, comme ont su le faire nos grands-parents après-guerre.
Avec vos projets de loi, qui va profiter de la dette accumulée ? Comme toujours dans la startup nation, ce seront les spéculateurs, puisque vous faites le choix de financer la dette sur les marchés financiers. Dans un rapport d'Attac datant du 16 septembre 2017, nous apprenions que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À cette date, la CADES avait remboursé, depuis sa création, 140 milliards d'euros de dette sociale, essentiellement grâce aux impôts ; dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d'euros d'intérêts aux créanciers. Une partie importante des recettes fiscales destinées à rembourser la dette sociale est ainsi utilisée pour payer des intérêts et commissions aux banques privées, qui spéculent dessus. Une grande partie de cette dette sociale apparaît illégitime, et un audit citoyen visant à faire la lumière sur la spéculation dont elle est l'objet est un impératif de justice sociale.
Encore une fois, cette politique antisociale est injustifiable après le mouvement des gilets jaunes et la crise de la covid. Nos services publics et notre sécurité sociale doivent être renforcés et ne doivent souffrir d'aucune coupe budgétaire supplémentaire.
Comble de l'absurdité : pour faire passer la pilule de ces projets de loi, vous communiquez sur la création d'une cinquième branche consacrée à la perte d'autonomie. Il est certes urgent de financer un service public de la perte d'autonomie, mais si une cinquième branche voit le jour, elle doit être financée par les cotisations sociales et non par la CSG. Si une cinquième branche voit le jour, elle doit recevoir des fonds à la hauteur des enjeux. Dans notre rapport sur les EHPAD, nous évaluions les besoins en financement d'une cinquième branche à 20 milliards d'euros minimum, soit 1 point de PIB dès maintenant. En refusant de financer cette politique du grand âge, vous actez le fait que les familles devront s'endetter pour s'occuper de leurs aînés ; nous ne l'acceptons pas.
Monsieur le secrétaire d'État, que vous apprêtez-vous à faire avec ces projets de loi ? Non seulement vous poursuivez la casse de la sécurité sociale, mais en plus, vous mettez en place de nouveaux mécanismes qui vont creuser son endettement et justifier des mesures d'austérité futures – le tout sous couvert de création d'une cinquième branche, pur élément de communication pour le moment. Que pensez-vous des propositions formulées au début de mon intervention ?