C'est sous Lionel Jospin que, pour la première fois, un plan quinquennal de revalorisation des retraites agricoles fut engagé. Il fut poursuivi sous François Hollande. Au cours de la période récente, ce sont les deux séquences historiques durant lesquelles les retraites n'ont pas été un sujet de propagande, de bateleur, mais ont fait l'objet de procédures concrètes aboutissant à des revalorisations.
Sous Lionel Jospin, le socle de 50 % du SMIC a été acquis, et la loi de 2002 sur la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles a été adoptée. En cette occasion, je tiens à rendre hommage à l'un de mes prédécesseurs, le député socialiste Germinal Peiro qui, dès cette adoption, a posé le principe d'une progression des retraites agricoles visant à atteindre le seuil de 75 % du SMIC.
Une décennie plus tard, aucune indexation n'avait été effectuée et la trajectoire n'avait pas été atteinte : à la fin de 2012, le taux était de 70,34 % du SMIC, loin de 75 %. Les corrections ont été apportées sous le mandat de François Hollande. En 2014, à l'instigation de Germinal Peiro, la loi Touraine a instauré le rattrapage gratuit des droits, notamment pour les conjoints et les aides familiaux, et a dressé cette trajectoire aboutissant à la fin de 2017.
Malgré tout, nous sommes encore loin du compte puisque la retraite des exploitants agricoles se situe actuellement à moins 900 euros mensuels et celle des conjoints et conjointes à moins de 600 euros. La situation des aides familiaux n'est pas plus brillante.
En 2017, sur la proposition d'André Chassaigne, nous avons adopté cette trajectoire visant à atteindre le taux de 85 % du SMIC. Je ne reviendrai pas sur les péripéties, ou plutôt sur l'enlisement dans un marais qui nous a fait perdre trois ans. Aujourd'hui, nous sommes au rendez-vous. Je ne m'étendrai pas non plus sur les bégaiements de l'histoire, ni sur les amendements relatifs aux dates ou aux mesures d'écrêtement, dont nous allons bientôt débattre.
Au préalable, je voulais rappeler l'histoire récente, celle du combat mené par les socialistes à deux reprises, au cours de deux mandats. Avec leurs alliés communistes et tous les hommes de progrès dans cette assemblée, ils ont fait avancer la question des retraites, non pas dans les mots ou les discours mais dans la réalité.
Puisque nous sommes le 18 juin, je voudrais aussi faire mémoire de combats de la gauche plus anciens et plus historiques. Dans les années 1950, c'est Tanguy-Prigent, ministre socialiste, breton, de Charles de Gaulle, qui a instauré les lois du fermage. Moins d'une décennie plus tard, avec Edgard Pisani, a été bâti tout le socle des régulations, du mouvement coopératif, des groupements agricoles d'exploitation en commun – GAEC – , des coopérative d'utilisation de matériel agricole – CUMA.
L'agriculture n'est pas faite que de progrès scientifiques et technologiques, de génétique, de machinisme et de solutions magiques. Elle est faite de la solidarité du monde paysan qui s'organise pour produire, commercialiser, s'entraider, tendre la main et faire en sorte que chacun réussisse.
Ce progrès social a une histoire, celle de la gauche et du monde paysan. Dans cette histoire, il y a parfois des « Je t'aime, moi non plus » et beaucoup d'incompréhensions culturelles, mais il y a une fidélité aux combats. À nos camarades et collègues communistes, je tiens à dire que nous avons toujours été unis dans ces combats pour le monde paysan, afin de choisir la coopération, la régulation et l'organisation des marchés, l'égalité, les réformes de la politique agricole commune – PAC. Sur ces sujets, nous avons toujours été en convergence.
Je me réjouis d'être de nouveau à vos côtés pour cette étape-là. Je le dis parce qu'il y a des vents mauvais dans l'histoire. En ce moment même, il existe un mouvement d'accaparement des terres mortifère pour le renouvellement des générations de paysans.