Il est des temps qui révèlent l'importance de certains métiers non reconnus et trop souvent dénigrés. La crise sanitaire que nous traversons nous rappelle le rôle majeur de certaines professions, parmi lesquelles celles du monde agricole. Les paysans ont été touchés de plein fouet par la crise sanitaire, mais ils ont su d'adapter et, dans certains secteurs, s'organiser pour répondre aux besoins essentiels de la population, notamment grâce à la vente directe et au maintien des marchés.
La proposition de loi de la Gauche démocrate et républicaine présentée par André Chassaigne nous donne une nouvelle fois l'opportunité de permettre que l'ensemble des retraités du régime agricole perçoivent un minimum de pensions digne, à hauteur de 85 % du SMIC. « Une nouvelle fois » car, cela a été rappelé, la proposition de loi avait été adoptée en première lecture en 2017.
Aujourd'hui, dans notre pays, un trop grand nombre de femmes et d'hommes travaillent encore dans des conditions indignes et touchent des pensions de retraite d'un niveau inacceptable. Nous devons mettre fin à cette situation. En moyenne, un agriculteur touche 855 euros de retraite. Comme le rappelle souvent mon camarade Jean-Hugues Ratenon, la situation est pire encore dans les territoires d'outre-mer, où le montant de la pension moyenne d'un agriculteur est de 330 euros.
Comment en est-on arrivé là ? Parmi les divers témoignages que j'ai pu lire, celui qui m'a le plus interpellée est celui de M. François Legentilhomme, ancien président de la Mutualité sociale agricole de Loire-Atlantique. En 2016, il expliquait le décrochage du régime agricole par rapport aux autres régimes de la protection sociale par le réflexe de certains agriculteurs et de certains syndicats de « ne pas vouloir cotiser ». La retraite complémentaire est obligatoire pour les agriculteurs depuis 2002, soit trente ans après la retraite obligatoire pour les salariés, y compris du monde agricole. Même chose pour la retraite, puisque François Legentilhomme indique : « Nous avons été volontaires en 1947 pour bénéficier des prestations familiales, y compris chez les ressortissants de la MSA. En revanche, nous avons refusé de cotiser pour la retraite jusqu'en 1952. »
Les agriculteurs ne peuvent continuer de pâtir de ces positions historiques. Malheureusement, la majorité a tendance à faire obstacle à toute dynamique favorable à une plus grande justice sociale. Nous l'avons constaté à plusieurs reprises, en particulier lors de l'examen des textes que nous avons proposés dans nos niches parlementaires.
Aujourd'hui encore, la proposition de loi initiale du groupe GDR est modifiée par un amendement instaurant un dispositif d'écrêtement. Pourquoi prévoir aujourd'hui un dispositif particulier pour les agriculteurs alors que le projet de loi sur la réforme des retraites, aujourd'hui caduc, n'en prévoyait pas pour les autres professions ?
Il en va de même avec la garantie de 85 % du SMIC, dont l'entrée en vigueur était prévue dès 2018 mais qu'un amendement adopté en commission décale au 1er janvier 2022. Nous demandons que la date retenue soit, a minima, le 1er janvier 2021.
Nous nous félicitons cependant que la commission ait adopté le texte à l'unanimité, d'autant que le 22 février 2020, lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron avait déclaré qu'il était impossible de revaloriser les pensions de retraite actuelles des agriculteurs à 85 % du SMIC, soulignant qu'une telle mesure coûterait environ 1 milliard d'euros. Nous regrettons néanmoins que ce ne soit pas le texte initial du groupe GDR qui ait été adopté.
Les constats sont clairs : actuellement, plus de 20 % des agriculteurs français vivent sous le seuil de pauvreté ; un tiers des paysans français ont plus de 55 ans ; la moitié des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à six ans. Nous devons impérativement changer de modèle et retrouver notre souveraineté agricole et notre indépendance alimentaire. Pour permettre à l'ensemble de la profession de vivre décemment, de se renouveler et de surmonter les crises à venir, nous devons relocaliser les productions, mettre en place des circuits courts et des prix planchers, mais aussi, entre autres choses, prévoir une sortie planifiée des pesticides.
En vérité, nous devons faire exactement l'inverse du Gouvernement, qui signe des accords de libre-échange et se repose sur les mécanismes de marché. Le coronavirus a agi comme un révélateur des failles du système capitaliste globalisé. Vous devez en prendre conscience et changer de cap.