La principale avancée du projet de loi visant à instituer un régime universel des retraites était de garantir, pour tous les retraités agricoles, un revenu au moins égal à 1 000 euros, mais il laissait de côté les retraités actuels. La version initiale de cette proposition de loi permettait de compenser en partie cette lacune en y incluant – ce dont je remercie encore une fois M. Chassaigne – les ultramarins, trop souvent oubliés. Nous regrettons évidemment que la version adoptée en commission des affaires sociales ait considérablement affaibli l'ensemble du dispositif puisque le bénéfice du complément de retraite sera subordonné au fait d'avoir demandé tous ses droits à la retraite, ce qui revient à reconnaître non pas le travail effectif mais uniquement le fait d'avoir cotisé. Si des personnes travaillent sans cotiser, d'autres cotisent sans travailler : lesquelles sont les plus bénéfiques à l'économie ? Je vous pose la question, mes chers collègues, en rappelant que si beaucoup d'agriculteurs ont renoncé à cotiser, c'est que leurs revenus ne le leur permettaient pas. Leur peine devrait-elle être sans fin ? Ne pouvons-nous pas mettre en place une retraite minimale et décente ?
Notre groupe regrette également que la commission ait prévu un écrêtement proportionnel au montant des pensions, tous régimes confondus, car, au motif de viser l'équité entre les assurés monopensionnés et polypensionnés, l'on choisit ainsi de considérer le travail agricole non comme une véritable voie professionnelle mais presque comme un hobby… Si les agriculteurs ont souvent une autre activité, c'est uniquement parce qu'ils ne peuvent pas vivre du seul fruit de leur seul travail de la terre !
La proposition de loi demeure tout de même une avancée pour une partie des retraités agricoles. Même insuffisante, elle a la mérite d'exister et nous la voterons bien sûr des deux mains. Mais moins de 200 000 retraités agricoles pourront bénéficier du nouveau dispositif alors que, rappelons-le, ils sont au total 3,8 millions et que leur pension moyenne est de 740 euros, avec de fortes disparités entre l'outre-mer et la métropole, 1,3 million étant non salariés, dont les anciens chefs d'exploitation. La rédaction initiale concernait et améliorait les retraites de 300 000 personnes : on en perd 100 000 avec l'écrêtement de la commission ! Je rappelle aussi qu'un agriculteur sur trois a une retraite inférieure à 350 euros par mois, la moyenne étant de 480 euros en métropole et bien moins outre-mer – 320 euros sur l'île de La Réunion, par exemple. Ces chiffres effrayants sont ceux d'aujourd'hui. Et ce texte n'aura malheureusement que peu d'effet sur eux car beaucoup d'agriculteurs ne répondront pas aux critères d'éligibilité au dispositif de garantie à 85 % du SMIC, …