740 euros par mois : c'est en moyenne le montant des pensions de retraite des agriculteurs, soit 760 euros pour les hommes et 580 euros pour les femmes, alors même que la retraite moyenne des Français est de 1290 euros… Cherchez l'erreur. Aujourd'hui encore, un agriculteur sur trois touche une retraite inférieure à 350 euros : c'est tout simplement inacceptable.
Nos agriculteurs – et j'ai une pensée spéciale pour les viticulteurs de ma circonscription de l'Hérault – sont ceux qui sculptent nos paysages, qui créent cette harmonie unique dans chacun de nos territoires et, surtout, ceux qui nous nourrissent. Bref, ils sont la France, ils font la France. Mais l'État bureaucratique ne sait ou ne veut pas leur manifester sa reconnaissance, comme s'ils n'étaient que des Français de seconde zone, d'un autre temps car bien trop loin des territoires connectés du nouveau monde.
Au 1er janvier 2017, les pensions de retraite des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles sont fixées au minimum à 75 % du SMIC et aucune réévaluation n'a eu lieu depuis. Le niveau moyen d'une pension agricole est désormais inférieur à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et au seuil de pauvreté. Notre système de retraite semble désormais incapable de remplir l'un de ses principaux objectifs : la préservation d'un niveau de vie décent lors de la cessation d'activité professionnelle. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une pension à 75 % du SMIC, en 2020, ce n'est vraiment pas gras : 914 euros par mois, soit bien en-dessous de la barre symbolique des 1 000 euros demandés à cor et à cri par toute la profession agricole.
La revalorisation des pensions de retraite agricoles à 85 % du SMIC est donc la bienvenue. Il était plus que temps. Je remercie donc le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et plus particulièrement son président, M. Chassaigne, d'avoir pris la question à bras-le-corps et d'avoir inscrit à nouveau cette proposition de loi à l'ordre du jour, texte pour lequel je voterai bien évidemment, et de préférence dans sa version initiale.
Au sein même de cet hémicycle, les demandes se sont multipliées dans tous les groupes pour atteindre son objectif. J'ai moi-même déposé des amendements, et je rappelle qu'un article d'une de mes propositions de loi était dédié à cette question… Mais ce fut peine perdue. Pire, en février 2020, durant les discussions sur la réforme des retraites, le Président de la République estimait que cette revalorisation était impossible car elle représentait un coût de 1,1 milliard. Nouveau coup dur pour nos paysans. Comme s'ils ne méritaient pas que la France se mobilise pour eux, comme si ceux qui ont pourtant fait pousser, germer et récolter les blés devaient se contenter de quelques miettes !
Cette revalorisation des retraites doit bien sûr avoir lieu pour les actuels retraités mais aussi être anticipée dès maintenant pour les futurs retraités. Il est d'autant plus urgent d'y procéder que l'âge moyen des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole était de plus de 49 ans en 2017. Les futurs retraités doivent avoir confiance en l'avenir. Un bémol cependant, et de taille, plusieurs des orateurs l'ont déjà dit : la majorité a voté en commission un écrêtement en fonction du montant de la retraite, tous régimes confondus, pour assurer une équité entre assurés monopensionnés polypensionnés, ce qui va mettre fin, comme le dit le président Chassaigne, à l'universalité de la garantie de retraite minimale, et réduire significativement le nombre de bénéficiaires de la garantie d'une pension à 85 % du SMIC : plus d'un retraité sur trois pourrait être écarté du dispositif. Au terme de la même carrière que leurs collègues, certains n'en bénéficieront pas parce qu'ils auront une pension complémentaire. Quelle bassesse, vous l'avouerez, mes chers collègues, et quel dommage !
Et puis, comme tous les membres de l'opposition, je regrette que cette augmentation des pensions n'ait lieu qu'à compter du 1er janvier 2022. Pourquoi attendre deux ans encore ? Même le président de la MSA, Pascal Cormery, estime qu'il n'y a pas de problème technique à cet égard et que la mutuelle est en capacité d'appliquer cette revalorisation des retraites dès le 1er janvier 2021. Alors, pourquoi attendre ? Et même si ma préférence, vous l'avez compris, va sans conteste à une augmentation dès l'année prochaine, je propose une solution intermédiaire pour que les chefs d'exploitation agricole puissent dès 2021 bénéficier d'une hausse de 5 % de leur retraite. Ainsi, leur pension s'élèverait, dès le 1er janvier 2021, à 80 % du SMIC et non plus à 75 %, avant d'atteindre le taux de 85 % en 2022. J'espère que vous saurez accueillir favorablement cette proposition, mes chers collègues : c'est une question de respect pour nos agriculteurs, une question de dignité pour notre assemblée.