Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 21h30
Garantie salaire-formation — Présentation

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je commencerai par remercier le groupe GDR, en particulier M. Pierre Dharréville et M. Gabriel Serville, d'avoir inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale cette proposition de loi, qui vise à instaurer une garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de l'économie.

Dans la continuité de nos débats de la semaine dernière dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Les Républicains, ce texte permet à la représentation nationale d'alimenter les réflexions en cours sur un sujet qui nous mobilise tous : la préservation de l'emploi et des compétences. Je pense pouvoir dire que c'est notre priorité commune, à l'heure où les graves répercussions économiques, sociales, territoriales et générationnelles de cette crise sanitaire sans précédent nous appellent à reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire, comme le Président de la République l'a déclaré lors de son adresse de dimanche dernier, à laquelle vous avez fait allusion cet après-midi, monsieur Serville.

S'il paraissait possible, il y a quatre mois, d'atteindre un taux de chômage de 7 % d'ici à la fin du quinquennat grâce à l'effet de nos réformes entreprises depuis trois ans, cette crise totalement exogène, qui n'est pas due à des défauts structurels de la France, change la donne. Dès lors, il convient de souligner que l'action que nous avons conduite pour soutenir les entreprises, les salariés et les personnes les plus précaires pendant les phases de confinement et de déconfinement a été déterminante. Sans notre mobilisation sans équivalent en Europe en matière d'activité partielle – communément appelée « chômage partiel » – , de fonds de solidarité, de prêts garantis par l'État, de soutiens sectoriels et d'aides aux plus vulnérables, sans cette mobilisation totale des services de l'État, que je salue, nous n'aurions pas pu limiter les défaillances d'entreprises ni éviter des vagues de licenciements.

C'est d'ailleurs avec cette même volonté de protection que nous avons adapté de façon très réactive les dispositifs de formation professionnelle indispensables pour accompagner la mutation des métiers vers les transitions écologique et numérique. Pendant la crise, nous avons élargi les conditions d'éligibilité au FNE-formation – l'aide à la formation du Fonds national de l'emploi – , désormais accessible à l'ensemble des salariés en activité partielle de toutes les entreprises, sans critère de taille ni de secteur d'activité. De fait, l'État a pris en charge l'intégralité des coûts pédagogiques, sans plafond horaire. Nous constatons d'ailleurs une dynamique très forte, le nombre des demandes ayant augmenté de 30 % en une semaine. À cette date, plus de 100 000 salariés suivent une formation grâce à ce dispositif, pour un volume total de 2 millions d'heures. Près de 70 millions ont été engagés, dont 18 millions lors de la seule semaine dernière.

Parallèlement, plus de 50 000 personnes ont formulé des demandes de formation via leur compte formation, dont près de 70 % pour des formations à distance. Moins d'un mois après le confinement, le niveau des demandes atteint 80 % de ce qu'il était avant la crise. Par ailleurs, 60 % des demandeurs d'emploi qui suivaient une formation avant le confinement grâce au plan d'investissement dans les compétences et aux actions menées par Pôle emploi, ont pu continuer de bénéficier d'une formation à distance. Ce taux monte à 90 % pour les apprentis, ce qui est exceptionnel, inédit : cela montre une capacité d'adaptation de l'offre de formation qu'il faudra conforter.

Je salue cette dynamique, à l'occasion du présent débat, parce que les compétences constituent une protection active contre la précarité et le chômage, et sont un vecteur d'émancipation. C'est ma conviction profonde, et c'est pourquoi, depuis trois ans, nous n'avons eu de cesse d'oeuvrer pour garantir un accès plus simple et plus massif à cet atout du XXIe siècle que constituent les compétences. C'est la raison d'être de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que vous avez adoptée en première lecture il y a deux ans pratiquement jour pour jour.

Nous avons obtenu des résultats inédits grâce aux réformes de l'apprentissage et de la formation professionnelle, qui ont notamment créé le CPF – compte personnel de formation – de transition ainsi qu'un véritable conseiller en évolution professionnelle. Nous avons amplifié l'accès à la formation et sa démocratisation grâce à l'application « Mon compte formation ».

Ces avancées majeures se sont inscrites en parallèle au déploiement des 15 milliards d'euros du plan d'investissement dans les compétences – le PIC – , destiné à financer la formation d'1 million de jeunes et d'1 million de demandeurs d'emploi éloignés du marché du travail. Je tiens à rappeler que le PIC, via les pactes régionaux et les appels à projet nationaux, se donne pour objectif premier de mieux identifier les emplois, les activités et les compétences de demain, notamment en matière de transition écologique. Il permet en outre, conformément à l'objectif de votre proposition de loi, de financer le programme « 10 000 formations vertes » – ou 10Kvert – , qui donne la priorité aux métiers verts dans le cadre des actions de préparation opérationnelles à l'emploi. Nous partageons, je pense, la conviction que les métiers verts – gestion des déchets, performance énergétique, rénovation thermique des bâtiments, agriculture biologique, transports moins consommateurs d'énergie – sont un moyen d'accélérer la transition écologique et requièrent un investissement massif dans les compétences.

Forts de cette transformation engagée, nous devons sans relâche poursuivre la construction de la société des compétences et plus largement la constitution d'une véritable sécurité professionnelle, universelle, simple et efficace qui accompagne chacun tout au long de sa vie professionnelle tout en permettant les grandes mutations que notre société requiert en matière écologique et solidaire.

Le rapporteur a rappelé les chiffres de l'INSEE, de la DARES – la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail – et de Pôle emploi : la situation hors norme que nous connaissons depuis quelques semaines impose d'aller plus loin, en s'appuyant notamment sur l'outil stratégique de la formation professionnelle pour relever collectivement le triple défi économique, social et écologique. Notre feuille de route est claire : après avoir amorti massivement les premières conséquences de la crise en déployant le bouclier du chômage partiel, qui a concerné au total, sur trois mois, plus de 12 millions de nos concitoyens, il faut désormais, dans cette étape nécessaire de la relance, relier économie, écologie et social, réconcilier la production et le climat. C'est particulièrement palpable dans certains territoires, notamment outre-mer – vous voyez exactement à quoi je fais allusion, monsieur Serville.

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