Avec l'épidémie de covid-19, l'économie mondiale s'est arrêtée. L'économie française n'a pas été épargnée : elle a subi le confinement de plein fouet, faisant craindre pour la survie de nos entreprises et l'emploi de nos concitoyens. Le Gouvernement anticipe désormais une chute du produit intérieur brut de 11 % cette année. Les derniers chiffres du chômage sont également inquiétants : en avril, 840 000 demandeurs d'emploi supplémentaires ont été enregistrés. La crainte est particulièrement vive pour les plus jeunes, les contrats courts, les emplois précaires, les saisonniers du secteur de la restauration et du tourisme. Selon l'INSEE, 500 000 emplois ont d'ores et déjà été détruits au premier semestre. L'exemple de l'emploi intérimaire est notable : il connaît un recul de l'ordre de 40 % ; par comparaison, lors de la crise économique de 2008-2009, il avait baissé d'environ 13 %.
C'est donc peu de dire que la crise économique et sociale qui s'annonce est sans précédent. Mais les crises ne doivent pas être uniquement des moments de désolation ; elles peuvent aussi être des moments uniques de choix, des instants décisifs au sens strict du terme. Elles peuvent créer des occasions historiques de changer délibérément et durablement la société, afin de la bâtir à l'image que nous souhaitons.
Aussi le groupe Libertés et territoires partage-t-il les craintes et les ambitions du groupe GDR : il faut effectivement anticiper la disparition future de nombreux emplois. Depuis l'imposition du confinement, le dispositif d'activité partielle a été plus que salutaire. Il a oeuvré à ce que les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, ne disparaissent pas. Mais ce dispositif ne durera pas éternellement.
Dans un tel contexte, il va de soi qu'une remise en cause de la réforme de l'assurance chômage s'impose. La crainte qu'un grand nombre de personnes basculent dans la pauvreté et que celles déjà vulnérables s'enfoncent dans la précarité, doit nécessairement nous conduire à proposer des dispositifs de soutien et d'accompagnement à l'emploi, bénéficiant tant aux entreprises qu'aux salariés, mais aussi à la société et évidemment à la sauvegarde de la planète.
Notre groupe trouve intéressante la piste formulée par la présente proposition de loi. Plus que jamais, les emplois de demain doivent contribuer à la transition sociale et écologique que nous souhaitons tous. Nous partageons donc l'objectif de la proposition de loi, qui fait de la formation un levier puissant de sauvegarde de l'emploi, d'une part, et de transition sociale, d'autre part.
Nous divergeons en revanche sur le calibrage du dispositif et sur son financement. Nous avons quelques doutes sur le fait de confier aux entreprises la responsabilité de payer pour le dispositif de contrat de transition. Nous considérons qu'il revient plutôt à l'État, notamment à travers l'assurance chômage et la formation professionnelle, de mener à bien cette mission.
Cela n'empêche néanmoins pas d'imaginer une contribution spécifique de la part des plus grosses entreprises, contribution dont les modalités pourraient être déterminées par le dialogue social. Les partenaires sociaux doivent donc être plus que jamais au coeur des réflexions sur les dispositifs à venir ; les régions également puisqu'il s'agit de la formation.
À ce propos, nous accueillons favorablement l'article 3, qui prévoit l'organisation d'une négociation nationale et interprofessionnelle. Le dialogue social est plus que jamais à encourager car il est le seul capable de dessiner et d'enclencher la nécessaire transition écologique et sociale. C'est cette négociation qui doit permettre de faire émerger les nouveaux dispositifs d'accompagnement protégeant les salariés et soutenant les entreprises.
Depuis le début du mois, le ministère du travail et les partenaires sociaux mènent une réflexion en concertation pour soutenir l'emploi. Des mesures ont déjà été annoncées sur l'apprentissage. D'autres chantiers sont en cours : l'assurance chômage, le chômage partiel, l'emploi des jeunes et la formation.
L'occasion m'est ici donnée de vous interroger de nouveau, madame la ministre, sur le chômage des travailleurs saisonniers : nous allons au-devant d'une catastrophe et beaucoup sont très inquiets, notamment dans les zones touristiques, où de nombreuses personnes ne peuvent pas occuper d'emploi et vont rapidement se retrouver sans ressources.
Si notre groupe ne pourra pas apporter un franc soutien à cette proposition de loi, en raison des arguments que je viens d'évoquer, nous considérons toutefois qu'elle fait partie des éléments de réflexion qu'il est impératif de prendre en compte dans une démarche aussi large que possible, si nous voulons affronter dans les meilleures conditions la crise économique qui nous guette et aborder efficacement la transition sociale et écologique.